Analyse comparative

Cette analyse se décline selon plusieurs entrées.

La première partie aborde la sélection des sites qui composent la série. La seconde porte sur une mise en perspective avec d’autres biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial ou sur les listes indicatives nationales et qui sont ou qui comprennent des éléments funéraires.  Une troisième partie traitera des sites en relation avec des conflits du 20e siècle inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Enfin la quatrième partie mettra en perspective les particularités du front ouest par rapport aux autres fronts de la première guerre mondiale.  Ce travail permettra de mettre en évidence la particularité du présent dossier et son apport à la liste du patrimoine mondial.

Partie 1 : la sélection des sites qui composent le bien en série

Chaque ville, chaque village de Belgique et de France rend hommage à ceux qui sont tombés au cours de ce conflit : enfants du pays ou hommes et parfois femmes venus d’autres contrées parfois lointaines. La première étape du travail a donc porté sur la définition du territoire concerné. La volonté des différents partenaires a été de concentrer la réflexion sur les lieux mêmes où se sont déroulés les faits et donc de limiter le territoire concerné au front ouest qui s’étend sur plus de 300km de la mer du Nord à la frontière franco-suisse. Ce vaste territoire est émaillé de centaines de sites funéraires et mémoriels témoins de la diversité des peuples qui ont convergé vers cette zone, des différents rites funéraires qui ont été mis en place pour leur accorder une dernière demeure et leur rendre hommage. Parmi cette multitude de témoins, il a fallu opérer une sélection drastique pour ne retenir que les exemples les plus remarquables, les plus significatifs au regard de la valeur universelle exceptionnelle.

Pour ce faire, 5 critères ont été définis :

  • La valeur historique du lieu : le site témoigne de l’histoire des rites funéraires, il est en lien avec des évènements importants, emblématiques de la grande guerre,
  • Les éléments architecturaux et paysagers présents : le site présente une architecture monumentale, une organisation spatiale particulière, il inclut des objets architecturaux de qualité, il présente des qualités paysagères et horticoles, il est inscrit dans un paysage mémoriels.
  • Les éléments identitaires et culturels : le site est représentatif d’une nationalité, d’un peuple, d’un statut particulier : militaires, prisonniers, blessés, personnel soignant, etc, il reprend des éléments fondés sur une tradition, une philosophie ou une confession.
  • Les composantes immatérielles et artistiques : le site est le lieu de commémorations régulières, de manifestations publiques, il comprend des créations artistiques.
  • Les éléments d’originalité : le site est unique ou particulièrement représentatif d’une typologie ou il présente une grande diversité d’attributs.

Les critères d’authenticité et d’intégrité sont également pris en compte.

Sur base de cette grille d’analyse, chaque partenaire a sélectionné les éléments les plus représentatifs situés sur son territoire.

Dans un second temps, les sélections opérées par chaque partenaire ont été mise en cohérence pour assurer la complétude de la sélection, la complémentarité des sites, éviter les répétitions et figurer l’ensemble du front ouest.

A l’issue de cette procédure, 140 sites (16 en Wallonie, 27 en Flandre, 97 en France) ont été sélectionnés.  Certains présentant une cohérence historique et géographique ont été regroupés en secteur mémoriel.

Visionner les qualités propres à chaque site ou ensemble mémoriel

Cette sélection tend à représenter la thématique des sites funéraires et mémoriels dans toute sa diversité et sa complexité. Elle prend en compte l’ensemble des parties prenantes au conflit : alliés et ennemis d’hier se côtoient. Elle représente les peuples qui sont venus des quatre coins du monde sur ce front ouest : européens, africains, asiatiques, nord- américains, ressortissants des Caraïbes, océaniens sont présents. Certains sites réunissent les ressortissants d’une même nationalité, d’autres accueillent des hommes venus d’horizons différents (Sarrebourg, Cuts,..) parfois ennemis avant de mourir (Etaples, Chambière…). Les statuts des défunts varient : morts au combat, morts des suites de leurs blessures, prisonniers, fusillés, travailleurs exportés, personnel soignant (militaire, civil et religieux) comme à l’Hellenwald, à Effry, à Moosch, à Wimereux et Etaples et, dans quelques cas civils (Gerbéviller, Sarrebourg, Effry) y compris des enfants (Sarrebourg, Effry), des prêtres, des vieillards (Sarrebourg). Elle reprend de grands ensembles comptant des milliers de sépultures et de noms (Verdun, N-D de Lorette, Thiepval, La Targette, La Crouée…) et des sites de quelques dizaines de tombes (Vrigne-Meuse, Mondement – Montgivroux), une fosse communes (Chaucouin-Neufmoutiers) ou des tombes communes (L’Opéra).

D’autres sont des sites de renommée internationale ou emblématiques pour une nation (Vimy, Verdun, N-D. de Lorette, Monfaucon-sur-Argonne, l’Hartmanwillerskop, …) et parfois moins connus (Le Quesnoy, Soulztmatt, Chestres-Vouziers, Noyelles…), ou oubliés parce que synonymes de déroute (Lagarde et Morhange… ), voire des sites laissés à l’abandon car désaffectés (Stosswhir), car parfois encore objet de terribles souvenirs encore présents dans la mémoire collective comme le monument du cimetière Saint-Charles à Sedan, pour qui ce dossier entraîne sa restauration. Elle couvre également toute l’évolution de ces sites : depuis les pierres sculptées du Donon au nouveau cimetière de Fromelles réalisé en 2010 pour accueillir les dépouilles de soldats australiens découvertes en 2009 ou le dernier mémorial international de Notre-Dame de Lorette réalisé à l’occasion du Centenaire en passant par la redécouverte par les autorités de cimetières originels désaffectés (Kham, Rabenbühl, les Ulhans…).

Certains espaces funéraires sont aménagés dans des cimetières communaux (Vrigne-Meuse, Mondement-Montgivroux) ou isolés comme à Gerbéviller, ou situés dans un camp militaire telle la Nécropole nationale française du monument-ossuaire de la Légion étrangère (Henri Fansworth ), ou encore dans des espaces accueillant des sépultures de la guerre de 1870 comme à Chambière, ce qui fait de l’élément un véritable musée vivant de l’art funéraire militaire. Certains ont été créés pendant la guerre, d’autres après. C’est le cas des grandes nécropoles de regroupement et des cimetières regroupant des nationalités (Braine, le Bois du Puits, Soultzmatt, …). Certains sont des cimetières de champ de bataille ouverts pendant la guerre comme le site du mémorial indien et le cimetière portugais de Richebourg, ou ceux  de Saint-Benoît de la Chipotte, des Tiges, de Riche, de Cutting, de Lagarde, du Canadian Cemetery, du Hunter’s Crater, et d’autres ou  proches des lignes de front comme le Wettstein, les nécropoles Duchesne, de la  Targette, de la Maison Blanche, d’autres à une certaines distances  comme Kham et parfois situés loin en arrière-front comme certains cimetières d’hôpitaux (Etaples, Chambière, Royallieu..).  Les soldats sont parfois là où ils sont tombés : fort de Loncin, fort de Douaumont, Lichfield et Hubster’s Craters, Mill’s Road Cemetery… tranchées des baïonnettes…

Certains ont été créés par des prêtres voyant les corps restés au sol depuis des mois telle la nécropole nationale française de la 28e Brigade « La ferme des Wacques », la nécropole Saint-Benoît –de- la Chipotte ou par l’armée allemande (Assevent…) et française tel le Wettstein. D’autres ont été créés par l’armée allemande en prévision des grandes offensives comme Cimetière militaire allemand de la Route de Solesmes et le cimetière militaire du Commonwealth « Cambrai East Military Cemetery ». Certains sont des cimetières de regroupement (Nécropoles françaises de Rancourt, de Cuts, les grandes nécropoles de la Marne d’Auberive et du secteur de Souain telle la Crouée et celles  du chemin des Dames, de Fleury-sous-Douaumont et les ossuaires tel Douaumont, Navarin…), de regroupement par nationalités (cimetière tchèque de Neuville-Saint-Vaast, polonais d’Auberive, danois de Braine, italien de Bligny, nécropole russe de Saint-Hilaire-Le- Grand…), d’autres sont désaffectés (Kham, Rabenbûhl, les Ulhans, stèles du Donon et Petit Donon) ou réaménagés (Riche, Cutting, l’Hellenwald, …) suite aux exhumations liées aux regroupements par nationalités. Certains sont des cimetières mixtes depuis toujours (Route de Solesmes, Assevent) ou mixtes à l’origine, puis sont dédiés après la guerre à une seule nationalité par décision de l’Etat français (Lagarde, l’Hellenwald, Riche, …), certains le restent par pression locale (Nécropole française de Pierrepont, Guebwiller….), d’autres le sont  depuis les opérations de regroupement de l’après-guerre et parfois ils regroupent trois nationalités telle la nécropole de Bois du Puits.

Dans certains reposent des soldats de tous les continents comme à Sarrebourg (nécropole des prisonniers), le plus plurinational de tous, ou d’un grand nombre de continents comme à Chambière ou Etaples, cimetières d’hôpitaux d’arrière-front. D’autres honorent la mémoire de corps spécifiques comme le “Arras Memorial” et “Arras Flying Services Memorial”  et les Missing  (“Dud Corner Cemetery” et “Loos Memorial”, Thiepval Memorial,  Pozières Memorial, Villers Bretonneux, Louverval-Delville Memorial…) et d’autres les armées  (mémorial de la bataille de la Marne, les Fantômes).

Télécharger la valeur universelle exceptionnelle de chaque site funéraire et mémoriel du bien sériel candidat

Partie 2 : biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial et sur les listes indicatives nationales

L’analyse d’autres biens déjà inscrits sur la Liste du patrimoine mondial est faite selon deux approches qui touchent à différents aspects de la Valeur universelle exceptionnelle du bien proposé : la spécificité des pratiques funéraires mises en avant par la Valeur universelle exceptionnelle d’une part et le contexte et l’interprétation historique du bien et de sa genèse d’autre part. Les deux catégories se démarquent par leurs fortes valeurs mémorielles et symboliques.

  1. Les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial

Les sites funéraires sont bien représentés sur la Liste du patrimoine mondial. Ils peuvent être inscrits en tant que tels ou en tant qu’attribut majeur. C’est par exemple le cas de très nombreux ensembles urbains archéologiques qui ont presque tous une composante funéraire.

Une recherche approfondie sur la Liste du patrimoine mondial utilisant plusieurs mot clés (funéraire, cimetière, nécropole, mémorial, mausolée, tombe, sépulture, tombeau) a été réalisée. 117 biens ont été ainsi analysés.

Télécharger l’analyse des 117 biens inscrits

En règle générale, ces biens sont assez bien répartis entre les continents mais peu d’entre eux sont postérieurs à l’Antiquité et la plupart sont consacrés à des monarques ou à des personnalités de haut rang. Si ces sites rappellent l’ancienneté et la diversité du culte rendu aux morts dans les différentes civilisations, ils n’ont pas de véritable dimension conflictuelle. Il n’existe donc actuellement sur la Liste du patrimoine mondial aucun Bien funéraire lié directement à des conflits militaires.

Par ailleurs, peu d’entre eux conservent aujourd’hui une dimension mémorielle importante comme les « Sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre Mondiale (Front Ouest) ». Parmi les exceptions, on peut notamment citer les Tombes des rois du Buganda à Kasubi et les Tombes royales de la dynastie Joseon.

TombesBuganda

La signification essentielle des Tombes des rois de Buganda à Kasubi (Ouganda, 2001) « réside dans sa valeur immatérielle faite de croyance, de spiritualité, de continuité et d’identité ». Leur édification, trente ans seulement avant le début de la Première Guerre Mondiale, confère à ce site une proximité chronologique avec les « Sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre Mondiale  (Front Ouest) ».

Sa construction s’étire sur plus de cinq siècles, de 1408 à 1966. Elles conservent encore aujourd’hui une dimension mémorielle et cultuelle extrêmement forte. « Ces tombes royales, dans leur réponse à l’environnement et dans la configuration unique de leurs édifices, structures et éléments associés, manifestent et renforcent les traditions séculaires et la pratique vivante du culte des ancêtres à travers une série de rites déterminés. Elles sont directement associées à une tradition vivante de rites ancestraux. Au cours de la période Joseon, les rites étatiques ancestraux étaient pratiqués régulièrement et, à l’exception de périodes de troubles politiques au cours du siècle dernier, ont été pratiqués chaque année par l’Organisation de la famille royale et la société cultuelle de chaque tombe royale. »

MausoleEmpereurQuin

Le célèbre Mausolée du premier empereur Qin (Chine, 1987), près de Xi’An, occupe une place particulière dans notre analyse.

La Tombe impériale du premier unificateur de la Chine mort en 210 avant J.-C., est entourée d’une armée de guerriers en terre cuite, lui conférant ainsi, même indirectement, une dimension militaire. Alors qu’ils creusaient un puits à 1,5 km du mur oriental de la chambre interne du mausolée, trois paysans du petit village de Yangeun-Ouest tombèrent sur une fosse dans laquelle se trouvaient des statues de guerriers en terre cuite grandeur nature. Des fouilles y commencèrent immédiatement. La fosse n° 1 contenait une véritable armée de 1 087 guerriers, avec les corps d’infanterie et de cavalerie en formation de bataille, protégés sur les flancs par des archers. On estime aujourd’hui que le nombre total de statues de guerriers et de chevaux dans cette seule fosse, qui comporte des galeries de 230 m de long, doit être de l’ordre de 6 000 ; elle est aujourd’hui entièrement comprise dans le site du musée. Deux autres fosses ont été découvertes juste au nord de la fosse n° 1, et contiennent des objets similaires – 1 500 guerriers, chars et chevaux dans la fosse n° 2, et 68 officiers et dignitaires, un char et quatre chevaux dans la fosse n° 3.

Selon les estimations communément admises, l’armée de statues du mausolée de Qin Shi Huangdi devait représenter le nombre exact des gardes impériaux. Pour autant, cette armée de soldats en terre cuite ne saurait s’apparenter à un culte individualisé des morts. La dynastie Zhou (vers 1046 av. J.-C. – 256 av. J.-C.) qui précéda l’avènement de Qin Shi Huangdi, semblait procéder à des sacrifices humains lors de la mort de personnages de haut rang, avant que cette pratique ne tombât peu à peu en désuétude. La présence de « substituts » en terre cuite ou de bois se généralisa avant de devenir la règle sous la dynastie Han (de 206 av. J.-C à 220). En conclusion de son article de 2008 intitulé « Culte des ancêtres et système funéraire à Qin à l’époque pré-impériale », l’archéologue et sinologue Lothar von Falkenhausen considère que « les statues de l’armée de terre cuite ne sont pas davantage des substituts de vrais soldats qu’une nature-morte de Cézanne est un ersatz d’une assiette de fruits. Elles font partie de l’œuvre d’art totale que constitue l’ensemble du mausolée. Elles ont un rôle de signes faisant allusion à des fragments de l’au-delà ».

Skogskyrkogarden

Enfin, une analyse plus approfondie a été réalisé pour le site suédois de Skogskyrkogården.

Il s’agit du seul cimetière européen, aménagé, datant du 20e siècle, inscrit sur la Liste du patrimoine mondial. Ce cimetière civil, réalisé suite à une commande municipale due à l’extension importante de la ville de Stockholm, ne correspond pas aux critères historiques de notre dossier; il n’est pas directement lié à un conflit militaire. Il répond cependant aux critères architecturaux, monumentaux et paysagers.

Les Biens relatifs à des conflits ou au patrimoine militaire sont extrêmement nombreux sur la Liste du patrimoine mondial. Une recherche a été faite sur l’intégralité de la Liste du patrimoine mondial. Les mots clés utilisés pour la réalisation de la recherche ont été : guerre, bataille, armée, résistance, combat, soldat.

Une fois encore, toutes les parties du monde et toutes les époques sont représentées dans ce tableau, même si peu d’éléments représentent le 20e siècle.

Télécharger la liste des biens relatifs à des conflits ou au patrimoine militaire

2. Biens inscrits sur les listes indicatives nationales

La situation est similaire pour les listes indicatives nationales. Une recherche réalisée sur base des mêmes mots clés au travers des listes indicatives identifie 60 entrées pour le patrimoine funéraire et 242 pour le patrimoine militaire et défensif. Vu le caractère très variable des informations fournies par les Etats-Parties dans  le cadre de leur liste indicative, on se limitera à constater que tous les continents sont représentés dans ces deux typologies.

 

Partie 3 : biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial et sur les listes indicatives nationales en relation avec les conflits du 20e siècle.

I/ Biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial

Parmi les sites inscrits sur la liste du patrimoine mondiale plusieurs sont en relation avec les conflits du 20e siècle :

A- Le camp nazi allemand de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau

Ce camp est le plus vaste conçu par les Nazis pour mettre en œuvre l’extermination des Juifs d’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Y furent également internés et parfois exterminés des Tziganes, des prisonniers de guerre et opposants politiques soviétiques et polonais, des résistants de toutes nationalités.

Le site comprend Auschwitz 1 avec les baraquements des prisonniers et l’administration centrale du camp et Birkenau avec les baraquements, les restes des chambres à gaz, les fours crématoires et des fours crématoires.

Il a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 1979 sur base du critère (vi) : Auschwitz-Birkenau, monument évoquant le génocide délibéré des Juifs par le régime nazi (Allemagne 1933-1945) et la mort d’innombrables autres victimes, témoin irréfutable d’un des plus grands crimes commis contre l’humanité. C’est aussi un monument célébrant la force de l’esprit humain, qui, dans la plus grande adversité, a résisté au régime allemand nazi qui entendait supprimer toute liberté d’action et de pensée et exterminer des races entières. Le site est un haut lieu de mémoire pour l’humanité tout entière, symbole de l’holocauste, d’une politique raciste et de la barbarie ; c’est un lieu de notre mémoire collective dans ce sombre chapitre de l’histoire de l’humanité, un lieu de transmission de cette page de l’histoire aux plus jeunes générations, et un signe d’avertissement des nombreuses menaces et conséquences tragiques des idéologies extrémistes et du déni de la dignité humaine.

Des similitudes peuvent être trouvées avec le présent dossier : un contexte de conflit mondial, la mort de masse, la valeur mémorielle et symbolique.

Mais où les sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale illustrent la création et la généralisation d’un modèle de sépulture reconnaissant le défunt dans sa condition humaine et dans son individualité, le site d’Auschwitz – Birkenau témoigne au contraire d’un crime contre l’humanité, d’un génocide et la négation de l’individu.

 

B- Le mémorial de la Paix d’Hiroshima

Autre site lié à la Seconde Guerre mondiale : le mémorial de la Paix d’Hiroshima est le seul bâtiment resté debout près du lieu d’explosion de la première bombe atomique.  Il symbolise la force la plus destructrice créée par l’homme et se veut également un message de paix dans le monde et un appel à la disparition des armes nucléaires. Il a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial sur base du critère (vi) : Le Mémorial de la paix d’Hiroshima (Dôme de Genbaku) est un symbole extrême et puissant de la paix mondiale qui règne depuis plus d’un demi-siècle après le déchaînement de la force la plus destructrice que l’homme ait jamais créée.

Comme dans le dossier des sites funéraires et mémoriels de la première guerre mondiale, on se trouve dans un contexte de conflit mondial, face à une mort de masse avec un impact mémoriel important.

 

C- Le site d’essai nucléaire de l’atoll de Bikini

Le contexte est légèrement différent puisqu’il concerne la période de l’après Seconde Guerre mondiale et du début de la guerre froide, de la course aux armements et de l’équilibre de « la terreur ».  L’atoll comprend de nombreux vestiges militaires et les 23 tirs nucléaires qui ont eu lieu entre 1946 et 1958 ont profondément modifié les écosystèmes et les paysages terrestres, maritimes et subaquatiques.

Le site a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 2010 sur base des critères (iv) et (vi).

Critère (iv) : Bikini est un exemple très remarquable de site de tests nucléaires. Il comporte de nombreux vestiges militaires ainsi que des éléments paysagers terrestres et sous-marins caractéristiques. Il concrétise la naissance de la guerre froide et il témoigne de la course aux armements nucléaires de plus en plus puissants. À la suite des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, le site de Bikini confirme l’entrée de l’humanité dans l’ère nucléaire. Il témoigne également des conséquences des essais nucléaires sur les populations civiles de Bikini et des îles Marshall, en termes de déplacements et de santé publique.

Critère (vi) : Les idées et les croyances associées au site nucléaire de Bikini, plus largement à l’escalade de la puissance militaire caractéristique de la Guerre froide, ont eu un retentissement international. Ces événements sont à l’origine des nombreux mouvements d’opinion en faveur du désarmement nucléaire ; ils ont généré de puissants symboles et de nombreuses images associées à « l’ère nucléaire », caractéristique de la seconde partie du 20e siècle.

Les points de comparaison avec les sites funéraires et mémoriels de la première guerre mondiale sont très limité tant dans la nature des sites que dans leur signification et leur apport à la liste du patrimoine mondial.  Seul le contexte de conflit du 20e siècle peut être évoqué dans les deux cas.

II/ Biens inscrits sur les listes indicatives nationales

Parmi les listes indicatives nationales, plusieurs sites méritent d’être mis en perspectives avec les sites mémoriels et funéraires de la Première Guerre mondiale

 

  1. Canakkale (Dardanelle) et Gelibolu (Galipoli) : champs de bataille de la Première Guerre mondiale (Turquie)

En 2014, la Turquie a inscrit sur sa liste indicative le site des Dardanelles et de la presqu’île de Galipoli, haut lieu de la première guerre mondiale sur base du critère (vi).  L’Etat partie met en exergue l’importance du site comme carrefour des cultures, enjeux stratégiques récurrent à travers l’histoire.  Elle souligne l’importance des lieux pour des peuples lointains comme les Australiens et les Néo-Zélandais.  Ce site est plus amplement abordé au point suivant. Il semble cependant que l’approche développée par la Turquie soit plus géographique et topographique que les sites funéraires et mémoriels de la première guerre mondiale qui adopte une démarche thématique. La relation à la mort et à la reconnaissance de l’individu n’est pas présente dans la proposition de la Turquie, parce que le lieu est avant tout une exaltation de la Turquie du combattant Mustapha Kemal devenu Ataturk. Une complémentarité peut être établie entre les deux sites.

 

  1. Marche de la Paix des Alpes à l’Adriatique : patrimoine de la première guerre (Slovénie)

En 2016, la Slovénie a inscrit sur sa liste indicative mondiale sur base des critères (iv) et (vi), un ensemble de 15 sites constituant une route de la paix et de la commémoration ainsi qu’un paysage mémoriel. Le front italo-slovène dont font partie cet ensemble de sites est abordé au point suivant. Une complémentarité peut facilement être établie avec les sites funéraires et mémoriels en ce que cette proposition inclut des typologies et nationalités absentes ou peu représentées dans la présente proposition : cimetières de montagne, cimetières russes, italiens, austro-hongrois.

 

  1. Ensemble monumental de Tirgu Jiu (Roumanie)

Ce site inscrit en 1991 sur base des critères (i) et (ii) est une réalisation de l’artiste Constantin Brancusi en hommage aux héros tombés pendant la Première Guerre mondiale.  La dimension mémorielle et le contexte historique et artistique auquel se rattachent ces œuvres offrent une bonne relation avec les sites mémoriels et funéraires de la Première Guerre mondiale.

 

  1. Hôpital des partisans de Franja (Slovénie)

Le site a été inscrit en 2000 sur la liste indicative de la Slovénie. Il s’agit d’un ensemble de 13 constructions en bois aménagées dans des gorges montagneuses et qui ont servi d’hôpital « clandestin » de 1943 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le site rend hommage à l’ingéniosité des partisans qui ont aménagé et équipé cet hôpital, le rendant difficilement localisable.  Des soldats de diverses nationalités : Yougoslaves, Italiens, Russes, Français, Américains, Autrichien, Polonais et même Allemand.

Le seul point commun avec les sites funéraires et mémoriels est de s’inscrire dans le contexte d’un conflit mondial du 20e siècle.

 

  1. Les plages du Débarquement (France)

En 2014, la France a inscrit sur sa liste indicative les plages du débarquement du 6 juin 1944 constituées de 6 sites témoins de ces évènements.  Ils témoignent des traces de la bataille sur les éléments défensifs, sur la destruction du bâti civil, sur la topographie des lieux, des changements ultérieurs, du paysage côtier et maritime unique créé par le port artificiel Winston Churchill ainsi que sur le potentiel archéologique sous-marin.

La comparaison avec les sites funéraires et mémoriels se limite au contexte d’un conflit mondial du 20e siècle. La dimension funéraire étant absente, les cimetières militaires liés au débarquement n’étant pas inclus dans le projet des plages du débarquement.

 

  1. Sites mémoriaux du génocide Nyamata, Murambi, Bisesero et Gisozi

Après le génocide des Tutsi du Rwanda survenu en 1994, de nombreux lieux de « supplice, de résistance et de martyre » sont devenus des sites mémoriaux. Parmi eux, on compte le centre mémorial de Kigali situé à Gisozi  réunissant les dépouilles mortelles de centaines de milliers de victimes, l’église de Nyamata, l’école de Murambi et enfin, sur la chaîne de collines de Bisesero.

Des similitudes peuvent être trouvées avec le présent dossier : la mort de masse, la valeur mémorielle et symbolique. Dans ces lieux, ont été tués des hommes et femmes de tous âges par milliers. Devenus des sanctuaires exceptionnels de la mémoire, ces sites sont par ailleurs des lieux de recueillement, de rassemblement et commémorations des rescapés permettant le travail de deuil collectif.

Mais là où les sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale illustrent la création et la généralisation d’un modèle de sépulture reconnaissant le défunt dans sa condition humaine et dans son individualité, les sites du Rwanda témoignent d’un crime contre l’humanité, un génocide et la négation de l’individu.

 

Partie 4 : Les autres fronts de la Première Guerre mondiale

Le front ouest n’est pas le seul théâtre d’affrontements de la Première Guerre mondiale, d’autres pays que la Belgique et la France ont été touchés en Europe et au-delà. Des sites funéraires et mémoriels y ont également été construits avec des similitudes mais également avec des différences liées aux armées présentes mais également au contexte géographique et culturel.

Le front italo-slovène

En 1915, l’Italie rentre en guerre aux côtés de l’Entente, le front s’installe le long de la frontière avec l’Autriche, notamment dans le massif des Dolomites, ainsi que dans les Alpes Carniques. Les Italiens, grâce à des offensives acharnées, occupent Cortine d’Ampezzo et la Haute Vallée de la Cordevole. De nombreuses traces de cette guerre de montagne remarquables demeurent et des mémoriaux aux dimensions impressionnantes ont également été érigés, essentiellement pendant la période fasciste de l’entre deux-guerres, avec une optique héroïque particulière : sacrario militare di Asiago, sacrario militare del Monte Grappa, monument de la Victoire de Bolzano pour la partie montagneuse du front ; sacrario militare di Oslavia, sacrario militare di Redipuglia (l’un des plus grands cimetières militaires au monde) dans la province de Gorizia et commémorant les différentes batailles de l’Isonzo. Les cimetières du Commonwealth, bien qu’assez peu nombreux, diffèrent sensiblement, dans leur conception, des éléments proposés sur le front occidental, notamment en raison de l’adaptation à l’environnement alpestre. Le front italo-slovène comprend également des cimetières érigés par l’ancienne Autriche-Hongrie, quasi absents du front occidental et qui possèdent néanmoins leurs propres caractéristiques paysagères et architecturales.

Le front se prolonge en Slovénie qui conserve, outre le mémorial ossuaire de Kobarid (Caporetto), plusieurs cimetières et monuments commémoratifs, dont l’église du Saint-Esprit à Javorca, construite par l’armée austro-hongroise pendant le conflit.

En 2016, la Slovénie a inscrit sur sa liste indicative « The Walk of Peace from the Alps to the Adriatic – Heritage of the First World War » : voir précédemment

MonteGrappa
Sacrario del Monte Grappa (Italie)
Brunico
Cimetière austro-hongrois de Brunico (Italie)
 Caporetto
Sacrario di Caporetto (Kobarid, Slovénie)

Le front italo-slovène possède donc lui aussi un ensemble remarquable de sites funéraires et mémoriels qui pourraient compléter, par leur caractère montagnard et leur haute valeur mémorielle, l’inscription proposée pour le front occidental, même si la reconnaissance individuelle du mort au combat et de l’individualisation des corps dans les cimetières militaires est moins prégnante l’Italie ayant dû prolonger le recours aux ossuaires ; en effet à cause de la nature du terrain, le karst bombardé faisait se pulvériser les corps, d’où le nombre immense d’inconnus.

Les cimetières italiens sont construits à l’image des cimetières du front ouest sur les lieux de batailles. Certaines tombes individuelles sont réservées aux soldats, qu’ils soient identifiés ou non et la présence quasi systématique de mémoriaux honorant les noms des soldats dont les corps n’ont pu être identifiés rejoignent la Valeur Universelle Exceptionnelle de la proposition d‘inscription des Sites funéraires et mémoriels du front de l’Ouest. L’authenticité et l’intégrité y sont conservées et des spécialités architecturales locales y sont visibles. Ces cimetières honorent de la même manière le soldat mort au combat, quel que soit son grade ou son origine. Des études supplémentaires seraient à envisager pour dégager la contribution à la VUE de chacun des sites. Quelques cimetières se distinguent particulièrement de cette liste par leur contribution individuelle à la VUE : les cimetières Magnaboschi et les cimetières relatifs à la traversée du Piave.

Les « fronts des Balkans » : Serbie, Roumanie, Grèce et Macédoine

Les régions du sud-est de l’Europe sont ponctuées de quelques grands mémoriaux rappelant les lieux des principaux engagements ou le souvenir des soldats morts aux combats : Monument aux héros inconnus du Mont Avala à Vozdovac, église-ossuaire de Lazarevac et monument de la bataille de Cer à Tekeris (Serbie), mémorial de l’armée serbe sur l’île de Vido, monument allié du front d’Orient à Latomi et mémorial britannique du lac Doiran (Grèce), chapelle du souvenir à Udovo (Macédoine, FYROM) ou du Pic Kajmakcalan, sur une crête située à plus de 2000 mètres d’altitude et marquant la frontière gréco-macédonienne.

En Roumanie, quelques grands mémoriaux perpétuent le souvenir de la Première Guerre mondiale dans plusieurs régions : mausolée national de Marasesti, mausolées de Marasti et de Sojeva dans l’est du pays, mémorial de Matéias dans les Carpates, sans oublier l’ensemble monumental de Tirgu Jiu, inscrit sur la Liste indicative roumaine depuis 1991 : voir précédemment.

Néanmoins, les régions du sud-est de l’Europe ayant été marquées par le premier conflit mondial ne présentent donc ni la variété ni la densité des « Cimetières, nécropoles, mémoriaux et paysages associés de la Première Guerre mondiale (Front Ouest) ».

Bitola
Nécropole française de Bitola (Macédoine)
Doiran
Mémorial du Commonwealth au lac Doiran (Grèce)
Marasesti
Marasesti2
Mémorial de Marasesti (Roumanie)

Slobozia Military Cemetery (Roumanie) se distingue par son importance symbolique et son originalité paysagère. Le respect de la religion et l’individualisation de la sépulture du soldat en font un cimetière qui participe pleinement à notre VUE alors que les deux cimetières serbes et le cimetière macédoniens peinent à se distinguer.

En Grèce, certains cimetières sont à souligner comme l’East Murdos Cemetery, le Mikra British Cemetery ou le Monastir Road Indian Cemetery grâce à leur intégrité et leur authenticité. Ils participent à la compréhension de la campagne de Gallipoli et du positionnement des troupes dans la région.

Les fronts d’Europe de l’est (Pologne, Lituanie, Lettonie)

Les régions d’Europe de l’Est touchées par la Première Guerre mondiale sont essentiellement jalonnées de cimetières. Ainsi, dans le sud-est de la Pologne, et notamment dans les voïvodies des Basses-Carpates et de Petite-Pologne (Cracovie), ceux-ci, bien que de dimensions souvent modestes, ont été édifiés dans un souci d’intégration paysagère et comprennent parfois des chapelles en bois typiques de l’architecture régionale.

La Lituanie et la Lettonie conservent de nombreux cimetières, notamment allemands, mais leurs dimensions sont en général très réduites. Le Cimetière des frères (Brāļu Kapi) situé dans la capitale lettone, Riga, fait néanmoins exception, par ses dimensions et sa richesse architecturale et sculpturale. Le cimetière est à la fois un mémorial célébrant l’accession à l’indépendance du pays et un lieu de sépulture pour des milliers de soldats lettons morts au combat entre 1915 et 1920 lors de la Première Guerre mondiale et de la guerre d’indépendance qui suivit. Les premiers soldats y furent enterrés en octobre 1915 à la suite d’une demande du comité de bataillons fusiliers lettons qui souhaitaient bénéficier d’un lieu spécifique pour rendre hommage à leurs camarades morts sur le front. D’abord lieu essentiellement paysager, le Cimetière des frères a été doté d’importants éléments architecturaux et sculpturaux conçu à partir des plans de Kārlis Zāle à partir de 1924 et jusqu’en 1936.

Riga
Brāļu Kapi à Riga (Lettonie)
Krempna
Cimetière de Gmina Krempna (Pologne)
Mala
Cimetière de Kamionska Mala (Pologne)

Le front de l’est se distingue par l’importance de la lutte pour la souveraineté de certains pays. Les cimetières font office d’emblèmes nationaux comme pour le Cimetière des frères (Brāļu Kapi). Pour la Pologne, l’importance de l’aspect paysager est frappant mais la conscience patrimoniale de ces sites ne s’est faite que tardivement, les cimetières ayant été laissés à l’abandon entre les deux guerres puis ravagés pour certains lorsqu’il s’agissait de tombes juives notamment. L’authenticité et l’intégrité de ces sites ne sont pas aussi importantes que pour le front de l’ouest et leur importance s’est surtout construite dans une optique d’un développement de la souveraineté nationale plus que dans une optique de commémoration internationale.  Le cimetière 123 du Front de l’Est de la Première Guerre mondiale (Łużna – Pustki, Pologne) a reçu le label du patrimoine européen en 2016.

La presqu’île de Gallipoli en Turquie

La presqu’île turque de Gallipoli, longue d’environ 80 km et large de 5,5 à 20 km, est dotée d’un relief tourmenté, son étroit plateau central se terminant en falaises abruptes. Il n’y existe que quelques plages, étroites et encaissées, à l’exception des environs de Suvla et dans le golfe de Saros. Les Alliés débarquent le 25 avril 1915 sur différentes plages au sud de la péninsule.

La campagne militaire de Gallipoli qui dura plus de 8 mois fut menée par le Commonwealth et les forces françaises pour forcer la Turquie à se retirer du conflit, pour soulager le front ouest durement touché en France et en Belgique, et pour ouvrir une route de ravitaillement avec la Russie en passant par les Dardanelles et la Mer Noire. Les Alliés débarquèrent sur la péninsule les 25-26 Avril 1915 dans la baie désormais nommée baie ANZAC (Australian and New Zealnd Army Corps). Le 6 août d’autres débarquements eurent lieu plus au nord dans la baie de Suvla. Cependant, la difficulté du terrain et la résistance turque menèrent rapidement vers une guerre de position (tranchées). Après la fin du mois d’août, plus aucune tentative sérieuse ne fut tentée et les lignes de front demeurèrent inchangées. Après plusieurs mois de combats acharnés, les Alliés évacuèrent définitivement et sans encombre la presqu’île en janvier 1916.

Canakkale
Mémorial turc de Canakkale (Turquie)

De nombreux cimetières et monuments commémoratifs (turcs, français et du Commonwealth) jalonnent la péninsule, notamment à sa pointe méridionale (Seddul-Bahr, Helles) ou au nord-ouest, autour de la cuvette d’Anzac Cove, aujourd’hui haut lieu de la mémoire australienne et néo-zélandaise. Sous cet aspect, ces sites possèdent eux aussi une haute valeur mémorielle bien vivante. Leur conception et surtout la place accordée à l’individualisation du soldat, que ce soit par la présence très majoritaire de tombes individuelles ou par l’inscription du nom du disparu sur les mémoriaux des diverses batailles, rapprochent les sites de la presqu’île de la Valeur Universelle Exceptionnelle des sites funéraires et mémoriels du front ouest. La très grande majorité de ces cimetières sont très bien étudiés par les historiens australiens et turcs  en vue de leur inscription éventuelle sur la Liste du patrimoine mondial. De plus, la cohabitation des soldats du Commonwealth dans certains cimetières turcs est un gage de pacification des relations entre les pays et un véritable pas vers la paix entre les pays touchés par la Première Guerre mondiale ; mais c’est la Turquie y poursuit aussi un objectif politique en y célébrant le héros de la Grande Guerre Mustapha Kemal devenu le « Père de la Nation », AtaTurk.

Les autres fronts de la Première Guerre mondiale

Des cimetières et plusieurs mémoriaux rappellent les combats entre les armées russes et turques, notamment dans la région de Sarikamis, au nord-est de la Turquie. Mais les monuments commémoratifs sont plus modestes que ceux qui ont été érigés sur la presqu’île de Gallipoli ou sur le front occidental.

Bassorah
Mémorial de Bassorah, Irak

Le mémorial de Bassorah, en Irak, commémore les 40 500 soldats du Commonwealth tombés entre 1914 et 1921 lors des opérations en Mésopotamie. Il présente une haute valeur mémorielle, comparable à certains sites du front occidental. Mais ce monument exceptionnel est isolé dans cette région du Proche et du Moyen-Orient où le patrimoine relatif à la Première Guerre mondiale se limite à quelques cimetières militaires du Commonwealth (Israël, Syrie, Yémen, Égypte…) ou à de modestes monuments commémoratifs.

 

 

Conclusion

La série proposée est complète. Elle représente en effet les différentes formes d’expression funéraires observées dès le début du conflit et progressivement institutionnalisées par la création de modèles funéraires nationaux.

Elle couvre l’ensemble des pratiques funéraires des nations et des peuples engagés dans le Premier conflit mondial.

Elle est représentative des évolutions qui ont cours depuis 1914 jusqu’à nos jours tant dans l’investissement commémoratif (officiel ou privé), touristique, pédagogique que dans l’évolution des formes architecturales.

Cette série complète également la liste du patrimoine mondial de l’Humanité.En effet, cette liste comprend actuellement peu de sites illustrant le 20e siècle et aucun pour le moment n’est lié au contexte de la Première Guerre mondiale.

Cette série proposée au classement témoigne d’un nouveau culte des morts, de la création d’un modèle qui perdure et qui a été diffusé à travers le monde, permettant aux endeuillés de se recueillir, d’exprimer leurs souffrances à travers des discours variés qui ont évolué avec le temps. Ces sites sont des lieux de mémoire qui deviennent progressivement des sites de conscience permettant une réflexion éthique, philosophique et pédagogique sur la guerre et la paix.