LA ZONE ROUGE DE VERDUN

Secteur mémoriel de Verdun-Douaumont

Situé à 7 kilomètres du centre de Verdun, le périmètre rassemblant l’ossuaire, la nécropole nationale, les monuments aux soldats israélites et musulmans, ainsi que, un peu plus loin, le fort de Douaumont, la stèle des fusillés et la tranchée des baïonnettes, constitue en soi un paysage de la mémoire nationale et mondiale. Au cœur de la Forêt domaniale de Verdun, et plus particulièrement autour de la crête de Thiaumont et du plateau de Douaumont, il s’impose au sein d’un relief alliant côtes, vallonnements et ravins des Hauts-de-Meuse, sur plus de 26 hectares.

Le secteur mémoriel est emblématique des combats de la bataille de Verdun qui a effacé 10 000 hectares de cultures, vergers, jardins, bois et praires. Des territoires qualifiés de « zone rouge » que la loi de 1913 destine au développement du couvert forestier.

La majorité des éléments constitutifs étant classés parmi les Monuments Historiques et proches géographiquement, les abords de ces monuments ainsi que le site classé au titre de la loi 1930 lient les quatre éléments constitutifs dans une seule et unique zone tampon.

ME05 Ossuaire français, nécropole nationale française, monument israélite et monument musulman de Douaumont

Situé en forêt domaniale de Verdun sur le territoire des communes de Douaumont et de Fleury-devant-Douaumont, cet ensemble funéraire est constitué de monuments funéraires et confessionnaux disposés autour de la nécropole nationale.

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Cimetière national et haut lieu de la mémoire, l’immense nécropole rassemble les corps de 16 142 soldats français (dont 6 de 1939-1945). Un important carré musulman conserve les corps de 592 soldats de l’empire colonial. Aménagée sur une pente, elle s’organise en deux grands ensembles formés de rangées de croix et stèles individuelles, séparés par une large allée, au centre de laquelle se trouve le mât aux couleurs nationales. Les deux ensembles, ainsi que la totalité de la nécropole, sont ceints d’ifs. L’accès se fait par le bas du cimetière où l’on retrouve l’entrée classique des nécropoles françaises, piliers de pierre calcaire et portail métallique. En haut de la nécropole, au bout de l’allée centrale, un escalier de pierre mène à l’Ossuaire. Une plaque de bronze fixée en surplomb de la nécropole, rappelle la journée du 22 septembre 1984 et le geste accompli entre le Chancelier Kohl et le Président Mitterrand, marquant l’amitié entre les deux pays. Dans l’axe de la plaque se trouve la tombe du général Anselin, tué au combat le 24 octobre 1916 lors de la reprise du fort de Douaumont.

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Au sommet de la crête de Thiaumont et dominant l’ensemble s’élève l’Ossuaire. En sous-sol, des fosses reçoivent les ossements anonymes. Elles sont surmontées dans le cloître de sarcophages de granit rouge correspondant aux différents secteurs du champ de bataille de Verdun. Deux caveaux sont ajoutés aux extrémités  pour que l’ossuaire puisse recevoir les restes de 130.000 soldats français et allemands. Au-dessus de chacune de ces deux fosses, un bouclier de granit porte la flamme du souvenir. Sur les pierres de la voûte basse, les familles ont fait graver les noms de leurs disparus et les associations de combattants une dédicace de reconnaissance. Dans la chapelle, les fenêtres sont garnies de vitraux de conception moderne du peintre Georges Desvallières, ancien combattant et maître de l’art sacré. La façade principale est dépouillée, seulement décorée des armoiries des villes contributrices. Au sommet de la tour de 46 mètres, la Lanterne des Morts éclaire le champ de bataille, elle abrite une cloche de bronze de 2 042 kg.

A l’ouest de la nécropole s’élève le monument israélite de Douaumont. Sa forme évoque le Mur des Lamentations de Jérusalem ; il est orné des tables de loi, un des symboles du judaïsme. Œuvre de l’architecte verdunois Stern, il  mesure  15 mètres de haut pour 31 mètres de long. En face, à l’est de la nécropole, non loin du carré musulman, s’élève le monument musulman.  Il est orienté à l’est, à l’identique des stèles musulmanes. Inspiré de l’art arabo-musulman, le mémorial comprend au centre d’une esplanade, un dôme soutenu par des colonnes qui abrite la stèle musulmane précédemment située en face de l’ossuaire. Autour de l’esplanade se déploie un déambulatoire couvert, avec deux ailes en retour. Les concepteurs ont utilisé pour son édification de la pierre d’Euville et du béton teinté dans la masse couleur pierre de Meuse, à l’identique du monument israélite.

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En 1916, le camp retranché de Verdun est l’objectif d’une offensive allemande qui mobilise des moyens considérables. Celle-ci se déchaîne le 21 février, pulvérisant les hommes et les abris. Les dix mois d’affrontement voient s’abattre sur les soldats environ 60 millions d’obus faisant plus de 300 000 tués et 400 000 blessés français et allemands.

La bataille de Verdun a effacé 10 000 hectares de cultures, vergers, jardins, bois et prairies. Après la guerre, l’Etat rachète ces territoires qualifiés de « zone rouge », conformément aux lois des 17 avril 1919 et 24 avril 1923.

Créée en 1923, la nécropole nationale est aménagée sur le champ de bataille nivelé. Le terrain aplani, on procède à la réalisation des allées et  aux  premières inhumations. Dès août 1925, les corps provenant de petits cimetières autour de Verdun sont transférés dans la partie droite. En novembre, la nécropole reçoit les corps exhumés du cimetière de Fleury désaffecté. En octobre 1926, elle recueille ceux du cimetière de la Fontaine de Tavannes. Les années suivantes, on y inhume les corps que l’on continue à découvrir dans la « zone rouge » – jusqu’à 500 par mois – dont plus de la moitié sont  identifiés. On y regroupe aussi  les corps du cimetière du bois Contant. C’est le 23 juin 1929 qu’a lieu son inauguration, en présence de Gaston Doumergue Président de la République. Les regroupements se poursuivent jusqu’en 1936. Le cimetière est lié à la construction de l’Ossuaire de Douaumont car il n’a jamais existé ici de cimetière du front au cours de la Première Guerre mondiale. La nécropole a fait l’objet d’une rénovation complète entre 2011 et 2014.

Dominant cette nécropole, cet ossuaire imposant est érigé à l’initiative de Mgr Ginisty, évêque de Verdun. La première pierre de l’édifice est posée le 20 août 1920 par le maréchal Pétain, président d’honneur du Comité de l’Ossuaire. Le transfert des ossements de l’Ossuaire provisoire à l’Ossuaire définitif a lieu en septembre 1927. Il est inauguré le 7 août 1932 en présence du président de la République, Albert Lebrun, de dignitaires français et étrangers et d’une foule immense d’anciens combattants, de pèlerins, de familles des morts et des disparus. L’Ossuaire est l’œuvre de Léon Azéma, Max Edrei et Jacques Hardy. Il a été entièrement rénové pour sa partie extérieure entre 2011 et 2014.  Cet ensemble funéraire et la tranchée des baïonnettes sont  inscrits comme haut lieu de la mémoire nationale, au titre du sacrifice des soldats français de la Grande Guerre à Verdun (1914-1918).

Le monument dédié à la mémoire des soldats israélites a d’abord été inauguré le 19 juin 1938 à l’occasion des cérémonies du 22e anniversaire de la Victoire de Verdun, puis le 31 octobre 1988 après sa restauration complète. Il est érigé pour les combattants français, alliés et volontaires étrangers israélites morts pour la France durant la Grande Guerre.

En 2004, à l’initiative du Premier Ministre, un projet d’élévation d’un mémorial en l’honneur des soldats musulmans « morts pour la France » et des 200 000 soldats musulmans des troupes coloniales envoyées en renfort sur le front, dont celui de Verdun, est discuté. La pose de la première pierre a lieu le 23 mars 2006. Le mémorial est inauguré par le Président de la République Jacques Chirac le 25 juin 2006, dans le cadre des cérémonies du 90e anniversaire de la bataille de Verdun.

Cet espace est le lieu d’une liturgie commémorative et mémorielle séculaire articulée sur un calendrier institutionnalisé par les associations patriotiques et mémorielles ainsi que l’Etat. Ce site possède une forte vocation pédagogique fondée sur le statut d’exemplarité de la bataille de Verdun ancrée dans les représentations mentales nationales et les programmes scolaires français, mais aussi sur l’état de préservation exceptionnel du paysage-stigmate conservé sous couvert forestier. Il est aussi un haut-lieu de la réconciliation franco-allemande : face au cimetière, une plaque rappelle la poignée de main historique entre le Président François Mitterrand et le Chancelier Helmut Kohl scellant la réconciliation franco-allemande en 1984. En 2016, le président François Hollande et la chancelière Angela Merckel ont dévoilé dans l’ossuaire une inscription franco-allemande évoquant la présence des ossements mêlés de 130 000 soldats allemands et français.

ME06 Fort de Douaumont

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Au cœur de la Forêt domaniale de Verdun, sur le territoire de la commune de Douaumont, le fort est situé au nord-est de l’ensemble des fortifications conçues par le général Séré de Rivières. Le dédale des galeries permet d’en découvrir toute l’organisation interne et l’atmosphère de la vie souterraine des forts de 1916. Dans une casemate murée reposent les corps de 679 combattants allemands tués lors d’une explosion accidentelle à l’intérieur du fort qui fit entre 1 000 et 1 200 victimes, le 8 mai 1916. Une plaque de bronze fixée sur le mur gauche de la nécropole rappelle cette tragédie. Le mur du fond comporte une grande croix de bois fixée sur un support métallique, ornée d’une croix de guerre et portant la mention « Den toten Kameraden » (A nos camarades tués). A ras du sol, une longue pierre rectangulaire où est gravée la mention « Unseren Toten » (A nos morts) fait office d’autel. Depuis mai 2013, une statuette en bronze représentant une famille dans la peine a été installée sur un socle adossé au mur de droite. Aujourd’hui, les drapeaux français et allemand flottent côte à côte sur le fort évoquant la mort tragique des soldats des deux armées en ce même lieu.

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Bâti à partir de 1885, le fort de Douaumont est successivement modernisé jusqu’à la veille de la guerre : bétonnage et armement d’impressionnantes tourelles d’artillerie à éclipse (canons de 75 et de 155) et de mitrailleuses. Enlevé par surprise, quatre jours après le début de la bataille de Verdun, il est occupé pendant huit mois par l’armée allemande qui en fait un abri pour ses troupes et un point d’appui essentiel pour poursuivre son offensive. Le 8 mai 1916, l’explosion de la salle des munitions à l’intérieur du fort provoque la mort de près de 700 soldats allemands. Face au bombardement intense de l’artillerie française, les corps de 679 soldats, ne pouvant recevoir une sépulture à l’extérieur du fort, sont emmurés dans une des casemates au rez-de-chaussée, devenant ainsi un ossuaire improvisé.

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Aujourd’hui, cette partie du fort est identifiée comme cimetière allemand et fait l’objet de nombreux pèlerinages et cérémonies des mémoires partagées. Une statuette de bronze baptisée « Abschied » ou « Les adieux » de l’artiste allemand Franz-Josef Ludwig y a été inaugurée lors d’une cérémonie franco-allemande le 17 mai 2013, lors du 50e anniversaire du Traité de l’Elysée. Les drapeaux allemand et européen sont hissés aux côtés du drapeau français à l’issue d’une cérémonie franco-allemande de novembre 2009.

Le fort de Douaumont est l’un des sites incontournables visités par les scolaires mais aussi par les groupes de touristes.

ME07 Stèle française des fusillés de Fleury-devant-Douaumont

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La stèle des fusillés de Fleury-devant-Douaumont est située en bordure de chemin, à proximité du monument aux morts du village détruit de Fleury-devant-Douaumont, au cœur du bois de Fleury. Elle est l’œuvre du sculpteur lorrain Paul Flickinger.

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Le monument est taillé dans la pierre blanche. Il se compose d’un buste de soldat tenant contre lui une colombe, symbole de la paix, tous deux foudroyés par la même balle. Sur le piédestal, une plaque sur laquelle est gravé l’extrait du discours prononcé par le président de la République Nicolas Sarkozy le 11 novembre 2008 à Douaumont. Derrière le buste, les pans de murs dressés sont ornés d’une envolée de colombes. Deux plaques rendent hommage aux deux officiers Henri Herduin et Pierre Millant, fusillés sans jugement en 1916 puis réhabilités dix ans plus tard. Le 11 juin 1916, les sous-lieutenants Herduin et Millant (347e RI) sont passés par les armes sur ordre du général Boyer (52e RI). Le 9 juin, estimant avoir tenu jusqu’au bout de leurs possibilités, ils s’étaient repliés avec les survivants de leur compagnie.

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La stèle des fusillés de Fleury-devant-Douaumont a été inaugurée le 4 novembre 2009 en présence du Préfet de la Meuse, du Président du Conseil Régional de Lorraine, du Président du Conseil général de la Meuse et de nombreux présidents et acteurs d’associations patriotiques et mémorielles. La stèle se situe à proximité immédiate du village détruit de Fleury-devant-Douaumont ainsi que du Mémorial de Verdun. Inspirée de la sculpture d’un homme agenouillé attendant d’être exécuté, présente sur un chapiteau de la crypte de la cathédrale de Verdun, cette stèle est un témoignage de la reconnaissance nationale et de l’intégration officielle des fusillés de guerre dans la mémoire collective.

ME08 Tranchée des baïonnettes

Derrière l’Ossuaire, sur l’autre versant de la crête, ce Haut lieu de la mémoire nationale dessiné par l’architecte André Ventre frappe par son caractère austère. Il ne porte aucune décoration ni motif figuratif, seule la croix latine moulée dans l’épaisseur du béton indique sa vocation sépulcrale. Son aspect particulièrement massif de sarcophage lui confère un aspect monolithique qui renvoie aux origines bretonnes et vendéennes des soldats du 137e R.I. La porte en bronze de l’entrée est l’œuvre du ferronnier d’art Edgard Brandt, elle est ornée de lauriers et d’une épée pointe en bas.

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Le 12 juin 1916, le 137e R.I. est en ligne sous la ferme de Thiaumont tenue par les Allemands qui ont des vues plongeantes sur les arrières des bataillons français de première ligne. L’assaut allemand isole les 1er et 3e bataillons. Un îlot de résistance tient 24 heures autour des lieutenants Polimann et Foucher et de leurs hommes avant de se rendre.

Après les combats, on suppose que les Allemands qui ont pris possession du terrain se livrent à une pratique qui n’est pas rare : ils regroupent les cadavres qui jonchent le sol et les ensevelissent au fond d’une section de tranchée qu’ils comblent ensuite en plantant verticalement les fusils des morts pour signaler la sépulture collective.

Fin 1919, un banquier américain du nom de George T. Rand, en visite sur le champ de bataille, s’émeut de l’absence de préservation du site où, dit-on alors, des soldats auraient été ensevelis debout par une explosion. Il souhaite sacraliser le lieu par un monument qu’il finance. L’inauguration a lieu le 8 décembre 1920 en présence du président de la République Millerand et de l’Ambassadeur des Etats-Unis.

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Des travaux d’exhumation sont entrepris en 1920 avant l’édification du monument, là où des fusils plantés verticalement signalent la présence de soldats tués. 21 corps sont découverts, aucun n’était debout. 14 identifiés sont exhumés et enterrés au cimetière de Fleury, 7 inconnus sont laissés dans la tranchée.

Suite aux vols réguliers des fusils, des fils barbelés ont été installés. Ils ont ensuite été remplacés par des ferrures. En 1992, l’entretien du monument est pris en charge par la direction interdépartementale de Metz. Les problèmes d’étanchéité du porche d’entrée et du monument ont conduit à une réfection totale en 1998. Les derniers travaux de restauration ce sont terminés en 2016.

Devenu légendaire, la tranchée des baïonnettes est un haut lieu de la mémoire française, l’un des premiers monuments du champ de bataille qui accueille encore de nombreux visiteurs.