LE HARTMANNSWILLERKOPF

LE SECTEUR MÉMORIEL DU VIEIL ARMAND-HARTMANNSWILLERKOPF

Situé entre Cernay et le Grand Ballon, à 956m d’altitude, sur les contreforts du massif des Vosges, le site du Hartmannswillerkopf, à l’environnement paysager et forestier remarquable, offre un panorama sur le sud de la plaine d’Alsace. L’ensemble mémoriel du Viel Armand comprend d’une part la nécropole, le monument national et sa crypte situés au sommet dégagé du col du Silberloch (906m), à proximité de la route des crêtes, d’autre part le cimetière militaire allemand des Uhlans sous couvert forestier, situé au sud-est, en contrebas du sommet du Sandgrubenkopf (574m). Ils frappent par leur contraste architectural et environnemental.

Une zone tampon commune englobe ces deux éléments constitutifs qui se situent de part et d’autre de la ligne de front et du sommet du Hartmannswillerkopf véritable enjeu stratégique. La zone tampon de ces éléments constitutifs correspond à la zone classée Monument Historique en 1921 au titre du champ de bataille. Elle inclut les deux éléments constitutifs et les différents attributs secondaires en lien avec les éléments mémoriels et historiques de ce site emblématique des combats de moyenne montagne dans les Vosges.

HR05  Nécropole nationale française du Silberloch, monument national français & crypte du Hartmannswillerkopf

Ce haut lieu de mémoire et d’hommage à la paix est l’un des sites les plus visités d’Alsace. Il englobe une nécropole nationale et le mémorial, le seul des quatre monuments nationaux à ne pas être une initiative purement d’Eglise.

 La nécropole est aménagée sur la pente nord-est du Silberloch, magnifique emplacement, offrant un large panorama sur le champ de bataille et sur la plaine d’Alsace. Là reposent 1640 soldats français dont 384 en 6 ossuaires délimités par des bordures en granit.

Construite selon un plan géométrique, les sépultures individuelles se répartissent en quatre sections, les allées dessinant une grande croix latine. Au centre de l’allée axiale flotte le drapeau. Cette scénographie valorise les alignements de croix latines et de stèles musulmanes en béton granité, toutes, portant le nom des morts sur leur plaque en zinc fondu. L’allée centrale, « voie de pèlerinage », conduit au sommet, où s’élèvent le monument national et sa crypte. A son entrée  deux statues en bronze, représentant des Victoires ailées, œuvre d’Antoine Bourdelle (1925) se font face. Un portail ouvragé en fer forgé, exécuté par Unselt, porte les mentions « ad lucem perpetuam ». Dans son vestibule d’honneur, apposées sur le mur, des plaques de marbre indiquent les noms des unités françaises ayant combattu en ce lieu, ceux des unités allemandes ajoutés plus tard, figurent sur des plaques portées par des chevalets. Au cœur de la crypte, creusée dans la roche, dans une salle carré ornée de quatre colonnes cannelées, sorte de caveau, se trouve l’ossuaire, où sont rassemblés les restes de soldats inconnus. Il est recouvert du «  bouclier de la patrie », bouclier en bronze, orné de branches de laurier et d’une épée et son fourreau disposées de part et d’autre d’un cercueil portant le mot « PATRIE ». Ces vers de Victor Hugo : « Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie, ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie » y sont gravés. Trois autels dédiés aux cultes concordataires (catholique, protestant et juif) confèrent à ce lieu son caractère œcuménique. Dans l’axe de la crypte, une statue de la « vierge à l’offrande », en porphyre reconstituée, réplique de celle du rocher de l’Eichstein (vallée de la Doller) orne l’autel catholique, une bible ouverte et une croix l’autel protestant avec à sa base un texte de Jean (11-25) : « je suis la résurrection et la vie. Celui qui vit et croit en moi, quand il serait mort, vivra ». Sur l’autel juif, une étoile de David à six branches surmontée des tables de la loi entourées de palmes et un texte d’Ezechiel (37-9) est gravé sur le mur : « Des quatre vents viens, ô Esprit souffle sur ces cadavres et qu’ils revivent ». A l’arrière de l’ossuaire sont gravés les mots suivants : « Jésus notre roi/ reçois notre vie/reine des martyrs/console les affligés/debout près de la croix comme marie avec jésus/o femmes oui pleurez/offrez à dieu vos cœurs » (Monseigneur Ruch). La lumière naturelle fuse par les blocs translucides du plafond lanterne orné d’une croix de guerre.

A l’extérieur, sur l’esplanade, un autel de la patrie en bronze surmonte la crypte. Portant les armoiries des grandes villes, il traduit l’hommage de la nation. La grande croix sommitale et une série de monuments français évoquent la mort de masse et la présence des Diables Bleus.

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En Alsace, le front se stabilise sur une ligne passant par le Hartmannswillerkopf, observatoire convoité par les armées. Du 26 décembre 1914 au 9 janvier 1916, les attaques et contre-attaques allemandes et françaises se succèdent pour son contrôle ; sa  partie sommitale change huit fois de main au cours de l’année 1915. Le « 15-2 » (152e régiment d’infanterie) perd la moitié de ses effectifs en quelques jours de combat. Les bombardements transforment le site en un paysage lunaire et désertique. Jusqu’à la fin des hostilités, les deux adversaires se harcèlent. Six mille soldats y seraient  tombés. Dès le 15 juillet 1920, un comité dit « du Vieil Armand » se constitue à Mulhouse sous le patronage du Souvenir Français et de l’Association des Dames Françaises pour « construire un monument commémoratif au sommet de Hartmannswillerkopf destiné non seulement aux morts mais aussi à consacrer la victoire et la Résistance héroïque des soldats français, monument dont l’ampleur serait telle qu’il pourrait s’apercevoir de toute la plaine et même au-delà du Rhin». National et fédérateur, Le comité veut l’ériger avec le concours de tous les français, sans argent public. L’objectif est de ne pas défigurer le champ de bataille, d’évoquer le souvenir des morts, de représenter la victoire de la France, de symboliser la Reconnaissance de l’Alsace et de la Lorraine, la Mère Patrie, de permettre de distinguer le sommet, de faciliter son accès et d’assurer son entretien et sa surveillance. Le projet inclut un volet commémoratif, pédagogique et touristique. Il comprend l’aménagement d’une crypte ossuaire avec 3 chapelles pour chaque culte et un grand monument à la Victoire au sommet de l’Hartmannswillerkopf. L’évêque de Strasbourg prévoit à la cote 900 entre le sommet du Molkenrain (cote 1125) et l’Hartmannswillerkopf (cote 956) une grande croix latine comparable à  la croix de Nivolet (Chambéry). Sur le  plan pédagogique, le Comité veut reconstituer le champ de bataille et implanter un hôtel, une maison de gardien, aménager une route et modifier l’itinéraire pour faire gravir le sommet par les pèlerins et visiteurs par les lignes françaises.

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Suite au classement comme monument historique du champ de bataille en 1921, L’Etat acquiert les terrains  en zone rouge, les communes recevant réparation des dommages de guerre. Le Comité compose alors avec la Direction de l’Architecture et des Beaux-Arts d’Alsace et de Lorraine sur un programme d’ensemble respectant le site. Conçu comme « une voie de pèlerinage », celui-ci doit comprendre des monuments et un vaste cimetière. Sa conception et son exécution sont confiés à l’architecte en chef des monuments historiques d’Alsace, Paul Gélis, qui dessine les premières esquisses. Ce dernier reprend le programme du comité de Mulhouse mais abandonne la reconstitution du champ de bataille jugée factice, la réalisation d’un monument de grandes dimensions au sommet et d’un hôtel. Le comité de l’architecture et des Beaux-Arts entérine et exécute le plan Gélis: « établissement d’une voie de pèlerinage qui traversera un cimetière…Le sommet sera respecté et aucune construction ne devra altérer les contours de la montagne ».

R. Danis, considère que le cimetière doit constituer « l’élément principal de ce grand monument de Victoire». Dès février 1921, le service des monuments historiques d’Alsace négocie avec le service de l’état-civil le choix du terrain, le plan du cimetière et son aménagement. Les travaux débutent en mai 1921. D. Danis exige que « le grand axe du cimetière passe exactement par le sommet topographique de l’Hartmannswillerkopf et par celui du Molkenrain. La composition de l’ensemble commémoratif est arrêtée : les éléments du projet sont tous alignés sur un même axe. Les roches détruites pendant les travaux sont réutilisées pour réaliser les bordures des allées et cinq abris sont comblés. Ouvert le 6 septembre 1921, le cimetière est inauguré le 1er octobre 1922 lors d’une fête religieuse et patriotique.

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Le programme est modifié à plusieurs reprises entre 1921 et 1923 pour des raisons techniques, financières et esthétiques. La crypte-ossuaire projetée au sommet est déplacée à la tête du cimetière, la lanterne des morts laisse place à un autel de la Patrie. Dès ses premières esquisses du mémorial, R. Danis accorde une place primordiale à la sculpture et se rapproche d’E-A. Bourdelle. Une communion d’idées s’installe entre les deux hommes  d’où le statuaire du monument mêle architecture et sculpture. Réalisé de1924 à 1929, le mémorial est inauguré en 1932 par le Président de la République Albert Lebrun et des généraux dont le général de Pouydraguin. Le comité de Thann fusionne alors avec celui de Mulhouse sous le nom de comité du monument national de l’Hartmannswillerkopf (10 avril 1924) et reçoit le parrainage du président de la république, du commissaire général  de la république en Alsace et en Lorraine, du ministre de la Guerre, du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts et des maréchaux de France. Les Allemands avaient également le projet d’ériger un monument en ce lieu si l’issue de la guerre avait été différente. Durant la Seconde Guerre mondiale, les autorités allemandes dissolvent le comité et le chef de l’administration civile allemande donne l’ordre de le dynamiter. Le monument israélite est gravement endommagé: il comportait à l’origine une couronne entourant les tables de la loi et sur laquelle était enroulé un serpent de l’éternité. Le mât en bois du cimetière est détruit et le monument du 15-2 situé à proximité est démonté clandestinement. En mai 1943, le projet de destruction est abandonné. Après la guerre 39-45, l’inscription d’origine en façade du monument « ici reposent des soldats morts pour la France » laisse place à celle plus neutre de « 1914 Hartmannswillerkopf 1918 ». La restauration du site commence en 1958 par le remplacement du mât. En application du décret du 22 février 1940, la gestion du cimetière revient au Ministère des Anciens Combattants en 1963. Différentes missions, notamment celles de 1972, 1980 et 1985, prescrivent des travaux d’entretien. En 2002, un état des aspects généraux intérieur et extérieur est réalisé : la crypte et l’esplanade sont restaurées (2009-2012). Ce projet est financé conjointement par les Etats allemand et français.

Lieu des premiers chantiers de jeunesse franco-allemand en 1984, des chantiers d’entretien et de rénovation menés par l’association des Amis du Hartmannswillerkopf, avec la participation de militaires réservistes ou d’active français et allemands, se poursuivent. Une commémoration annuelle s’y tient le 11 novembre, réunissant les plus hautes autorités. Depuis le 3 août 2014, le HWK est le symbole de l’amitié et le lieu de la réconciliation franco-allemande avec la venue des deux chefs d’Etat François Hollande et Joachim Gauck. Le site est l’objet de publications, de films tel « HWK La mangeuse d’hommes » (réalisé en 2004 par Daniel Ziegler). Photographes et peintres l’ont  immortalisé tel François Flameng, peintre officiel aux armées.