Paysage et Sites de Mémoire de la Grande Guerre

Édito

L’élaboration du dossier d’inscription au patrimoine mondial des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale progresse. Après avoir sélectionné et défini les sites qui seront portés à l’inscription, une nouvelle étape s’ouvre, celle de la définition de la gestion des sites. C’est un volet essentiel de toute inscription sur la Liste du patrimoine mondial car nombre de sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial deviennent de hauts-lieux du tourisme. Mais de quel type de tourisme s’agit-il ?

La géographe Sylvie Brunel écrit dans un ouvrage publié en 2012 sous le titre La Planète disneylandisée (1) que l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO est la consécration de la « mise en désir » d’un lieu. Cette « mise en désir » d’un lieu consiste en l’exaltation de ce qui fait son unicité afin de le rendre attractif...

Alors que nous envisageons la mise en valeur et en tourisme -ou « mise en désir » pour reprendre un terme plus médiatisable- des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale, cette réflexion nous interroge. En portant le dossier d’inscription des sites funéraires et mémoriels de la Grande Guerre, notre association souhaite éviter l’écueil de cette disneylandisation touristique et, au contraire, faire de ces lieux des références morales pour une humanité qui a l’obligation de conserver une mémoire et le « désir d’apprendre ».

Serge BARCELLINI
Secrétaire Général de l’association

(1) La planète disneylandisée, Sylvie BRUNEL, Edition Sciences Humaines, 2012

Mot de soutien

© Christophe Manquillet

Le centenaire de la Grande Guerre a débuté en 2014 par des manifestations d’une exceptionnelle qualité où l’Histoire, la mémoire, le dialogue intergénérationnel et la recherche de sens ont été les adjuvants d’une communication pour tous, tant il est vrai que cette période de souffrance et de deuil est encore souvent prégnantes dans les familles.

Mais les stigmates de ce conflit sont aussi très présents dans nos campagnes, et plus particulièrement dans ces 14 départements du front de l’ouest, en Flandre et en Wallonie.

La Marne, avec son triste privilège d’être le département qui recèle de plus de sépultures et nécropoles, s’honore de ce partenariat qui s’établit autour de l’association « Paysages et Sites de mémoire de la Grande Guerre », pour inscrire à jamais ces lieux emblématiques sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, et entretenir toujours la flamme de la réconciliation et de la paix.

René-Paul SAVARY
Président du Conseil départemental - Sénateur de la Marne

Un projet en mouvement

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Bureau de l’association
Le 9 septembre 2015 s’est déroulé le premier bureau de l’association dans sa nouvelle configuration, telle qu’établie lors de l’Assemblée générale extraordinaire du 3 juin...
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Les Italiens dans la Grande Guerre
Les 18 et 19 septembre 2015, le département de la Marne consacre deux journées à la redécouverte des Garibaldiens, ces Italiens qui se sont battus en France durant l’hiver 1914, bien avant l’entrée de l’Italie dans le conflit...
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Trois sites pour comprendre

Mondement

Septembre 1914 : le village de Mondement est au cœur des combats de la première bataille de la Marne. En prenant d’assaut ce point stratégique, les Allemands pensaient pouvoir fondre sur la plaine de Champagne qui ouvrait la voie sur Paris. Après avoir pris position dans le château du village, ils sont rejetés grâce à la contre-offensive du général Joffre...

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Dormans

C’est pour commémorer les morts de ces deux batailles, mais aussi pour rendre hommage à l’ensemble des soldats tombés durant la Grande Guerre, qu’un Monument National est élevé au sein d’un parc arboré. Inauguré en 1931, d’inspiration romano-gothique, il constitue un ensemble à la fois militaire et religieux...

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Site de l'Argonne

Pendant la Grande Guerre, le Bois de la Gruerie était sur la ligne de front et fut le théâtre des assauts les plus meurtriers entre janvier et juillet 1915. Le site est composé d’un monument ossuaire et d’une nécropole situés en lisière de forêt. Le monument ossuaire se présente comme un mur de pierre. Au centre, un haut-relief symbolise une femme, dont le visage rappelle une Marianne coiffée d’un bonnet phrygien, et dont la main droite présente la flamme du souvenir. Au sous-sol, une galerie abrite des plaques dédiées aux morts par des familles de disparus.

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Pour aller plus loin...

Apremont dans les Ardennes

Treize cimetières allemands importants sont implantés dans le département : Apremont, Asfeld, Aussonce, Buzancy, Chestres, La Neuville-en-Tourne-à-Fuy, Monthois, Mont-Saint-Remy, Noyers-Pont-Maugis, Orfeuil, Saint-Étienne-à-Arnes, Séchault et Vouziers. Selon les sources, parfois divergentes, environ 65 000 Allemands y reposent, soit environ 9 % des tués.

Ce qui classe le département des Ardennes au sixième rang du nombre des sépultures allemandes après l'Aisne, le Pas-de-Calais, la Somme, la Meuse et la Marne. Ils sont sous la responsabilité du "Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge” aussi connu en France sous l'appellation de SESMA (Service pour l'entretien des sépultures militaires allemandes).
Le premier, Apremont, aménagé dès novembre 1915, soit en bordure de forêt soit dans une clairière, est typique de la volonté des Allemands d'intégrer, selon Carl Pépin (1) : « les sépultures au paysage forestier ». Yves Le Maner (2) précise le type de cimetière souhaité par les Allemands : « La croissance de la végétation est libre ; les arbres ne sont pas élagués. Ce choix renvoie à la mythologie germanique qui est fondée sur la communion de l’Homme et de la Nature. L’architecture de ces cimetières est austère, mais laisse une grande place aux arbres. Ceux-ci veillent sur le repos éternel des soldats. L’impression est souvent donnée que le cimetière a été implanté dans une forêt. » C'est animé de cette conception qu'il faut lire les comptes rendus conservés dans les archives du Volksbund. Un rapporteur en 1926 compte à Apremont 1095 tombes (il y en a 1111 en 2014). Il constate que ce cimetière « montre dans la solitude profonde de la forêt le caractère du cimetière allemand ». Les rapporteurs de 1927 et 1928 attestent que les décorations originales subsistent encore : thuyas, buis, plantes à feuilles, chrysanthèmes et épicéas. Il est clôturé par des feuillus ardennais et quelques-uns de ces arbres imposants se trouvent au milieu des tombes, contribuant à la beauté de l'endroit. Le rapporteur de 1932 décrit de superbes hêtres pourpres et des chênes, soulignant qu'à côté d'eux, la présence de beaux thuyas semble « bizarre », il signale qu'il est prévu de les transplanter à l'entrée. Cette année-là, même si Apremont présente encore l'aspect que lui avaient donné ses fondateurs, le rapporteur regrette la mort de certains arbres détruisant l'unité qui avait été recherchée. Il conclut : « Les tumulus ne portent plus que des restes de l'ancienne décoration florale, ils sont nus sinon. »
En 2015, cent ans après, Apremont, malgré quelques arbres dangereux condamnés à disparaître, reste un modèle de cimetière à découvrir.

Jacques LAMBERT
Membre du bureau de L'Association Paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre, et auteur de Les cimetières allemands des Ardennes après la guerre (1918-1943) in La Première Guerre mondiale dans les Ardennes, Études pour le Centenaire (Société d'Histoire des Ardennes, Éditions Terres Ardennaises, Société d'Histoire et d'Archéologie du Sedanais).

Merci au responsable national français du “Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge”, Julien Hauser, de m’avoir fait parvenir par le biais de Pierre-François Toulze, les comptes rendus et photos détenus par son association
(1) Carl PÉPIN, Ich hatte einen Kameraden : les cimetières allemands dans le paysage franco-belge
(2) Yves LE MANER, Les caractéristiques nationales des nécropoles


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