Le réaménagement des cimetières allemands par le VDK

Dès la guerre, les armées allemandes enterrent leurs morts en retrait du champ de bataille. Les morts sont le plus souvent inhumés sous une croix de bois ; néanmoins, là où les unités allemandes restent longtemps stationnées, des sépultures plus durables, voire d’imposants monuments peuvent voir le jour, comme celui du cimetière militaire de Saint-Quentin inauguré par l’empereur en octobre 1916.

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Cimetière allemand de la Maison-Blanche (Neuville-Sain-Vaast) – © Elise Julien

A la fin du conflit, l’immense majorité des tombes de guerre allemandes se trouve en terre étrangère. Les autorités allemandes doivent alors s’en remettre à leurs homologues, tenues par le Traité de Versailles d’entretenir les tombes des militaires inhumés sur leurs territoires. Dans ce cadre, les tombes allemandes du front ouest sont rassemblées dans des nécropoles qui doivent prendre le moins de place possible ; les corps identifiés sont inhumés sous des croix de bois bitumées, les autres dans des fosses collectives qui réduisent les possibilités ultérieures d’identification. Ne disposant pas de moyens pour embellir ces cimetières, le gouvernement laisse le champ libre à une association privée fondée en décembre 1919, le Volksbund Deutsche Kriegergräberfürsorge (VDK). D’orientation clairement nationaliste, celle-ci se saisit, en même temps que du culte des morts, d’une part importante de la mémoire de la guerre en dehors du contrôle de l’Etat républicain.

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Cimetière allemand de la Maison-Blanche (Neuville-Sain-Vaast) – © Elise Julien

L’action du VDK est d’abord limitée à l’information des familles et à l’ornementation de certaines tombes, dont les images sont publiées dans la revue de l’association. Bientôt, la forte inflation impose un ralentissement des activités, malgré les efforts pour mobiliser les donateurs. Ces activités ne sont vraiment relancées qu’au milieu des années 1920, d’autant qu’à partir de 1926, la France autorise le VDK à intervenir, sous le contrôle de son administration, dans l’aménagement des cimetières allemands sur son territoire. Le VDK développe alors un style propre : il renonce aux tombes individualisées par un monticule, préconisées par les familles, au profit d’une surface plane et arborée ; les tombes y sont marquées par une croix de bois ou une petite plaque tombale au sol ; l’ensemble est clos par un mur, accessible par une modeste grille, et éventuellement complété par une chapelle ou un monument régimentaire.
Dans les années 1930, le VDK se rapproche du régime nazi et avec l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale, ses responsables mettent leur expérience au service de la Wehrmacht. Après la guerre, le VDK est contraint à une profonde refondation. Il adopte de nouveaux principes d’action : la promotion de la paix et « la réconciliation par-dessus les tombes », ainsi que l’implication des jeunes générations, vierges de toute responsabilité pour le passé. La loi de mai 1952 fixe un cadre juridique pour l’entretien des tombes « des victimes de la guerre et de la violence ». A partir de 1953, missionné désormais par le gouvernement de la RFA, le VDK relance son action par le biais de camps de jeunesse sur des sites liés à la Seconde Guerre mondiale. Il reste qu’en juillet 1966, un accord franco-allemand transfère au VDK la responsabilité de l’entretien des 198 cimetières allemands de la Première Guerre mondiale en France. Ceux-ci comptent près de 500.000 tombes identifiées pour environ 930.000 morts allemands ensevelis dans le pays. La réorganisation de ces cimetières commence à l’automne 1968 pour s’achever au début des années 1980.

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Cimetière allemand de la Maison-Blanche (Neuville-Sain-Vaast) – © Elise Julien

Témoin de l’action du VDK tout au long du vingtième siècle, le cimetière de la Maison-Blanche à Neuville Saint-Vaast est la plus vaste nécropole allemande en France. Il est créé entre 1919 et 1923 par les autorités françaises selon les termes du traité de Versailles, pour rassembler les restes de près de 45.000 soldats auparavant éparpillés dans le Pas-de-Calais. A partir de 1926, le VDK est autorisé à aménager les lieux ; il transforme ce champ de 8 hectares en parc fermé et arboré. Près d’un demi-siècle plus tard, entre 1975 et 1983, le VDK réaménage complètement la nécropole. Cette fois, les croix de bois sont remplacées par des croix de fonte portant chacune les noms de quatre soldats, les sépultures de soldats juifs reçoivent une stèle spécifique, tandis que les fosses communes sont marquées par d’épaisses croix de pierre flanquées de plaques listant le nom des disparus.

Elise Julien