SM01 Nécropole nationale française « La Grande Tombe de Villeroy »
La nécropole nationale française dite « Grande Tombe de Villeroy » est située en cœur de plaine, le long de la RD 129, entre les villages de Villeroy et de Chauconin-Neufmontiers. Elle regroupe dans une seule tombe, les corps de soldats tombés sur place début septembre 1914. La Grande tombe n’a pas été déplacée et son environnement est identique à celui qui existait en 1914.
Le site, tout en longueur, est délimité par une haie basse de charmes et de troènes. Selon les dispositions ministérielles, l’entrée s’effectue par un petit portillon métallique d’un seul battant, monté entre deux piliers en béton. Deux peupliers ont été plantés de part et d’autre de la tombe. Celle-ci est surmontée d’une dalle rectangulaire de grande dimension (21m x 3m), délimitée par un muret de béton de 40 cm et remplie de gravillons roses. Le muret est rythmé sur chaque face par des encadrements en bas-relief d’une trentaine de centimètres.
Une stèle commémorative se situe à l’arrière de la tombe. Elle dénombre 133 soldats parmi lesquels dix soldats marocains. Y sont mentionnés les « CAPITne P. GUERIN. CAPITne E. HUGUIN. LIEUTt CH. DE LA CORNILLIERE. LIEUTt CH. PEGUY ». Viennent ensuite, répartis sur cinq colonnes, les noms des 99 soldats identifiés. A la fin de la liste, on trouve l’inscription « CETTE TOMBE RENFERME EGALEMENT LES RESTES DE 2 SERGENTS ET 32 SOLDATS INCONNUS ». Puis gravées dans le béton, l’inscription suivante « AUX COMBATTANTS DES 231e, 246e ET 276e R.I ET DES 55e ET 56e D.I ». Cet édicule, sous forme de stèle monumentale, en béton, fut réalisé en 1932 par l’architecte meldois Henri Faucheur (architecte D.E.S.A., 1889 – 1961). Au centre, la liste des noms, en mosaïque de marbre, est l’œuvre du marbrier Lelu. Elle est encadrée par une mosaïque décorative et lumineuse de Louis Barillet (maître verrier, peintre, mosaïste : 1880 – 1948). Une épée (symbole du Souvenir français) et des drapeaux français (symbole de l’hommage rendu aux « morts par la patrie ») ornent la partie supérieure du monument. Henri Faucheur, architecte connu pour ses constructions art déco, adopte ici un style classique, mis en valeur par la grande qualité des mosaïques de Louis Barillet, avec lequel il a mené d’autres projets. Les encadrements en bas-relief sont les seuls détails illustrant très modestement le style art déco. Une croix en béton a été rajoutée au sommet en 1951.
Le 5 septembre 1914, la 55e division, venue en renfort de la brigade marocaine, affronte les Allemands entre Villeroy et les hauteurs de Monthyon, marquant le début de la première bataille de la Marne. Le poète Charles Péguy, lieutenant du 276e régiment d’infanterie, est tué au cours de ces combats avec une centaine d’hommes de sa compagnie. Les corps sont ensevelis, les 7 et 8 septembre, dans une fosse de 22 mètres initialement prévue pour l’ensilage des betteraves et qui prend très vite le nom de « Grande Tombe ». Des croix en bois sont fichées, portant le nom des officiers identifiés. On dénombre alors environ 170 soldats français, marocains et allemands. En avril 1915, sont répertoriés 280 soldats français. Une tombe collective allemande est provisoirement installée juste à côté.
Rapidement, le tumulus est aménagé : une grande croix est installée au centre d’un alignement de croix blanches. En 1920, le ministère entreprend de déplacer les corps pour les intégrer au cimetière de regroupement de Neufmontiers, ce qui suscite une très vive polémique. En raison notamment du souvenir de Péguy, l’opération est suspendue. La Grande Tombe est réaménagée. Une stèle commémorative mentionnant les noms des soldats est placée au centre de l’alignement de croix. A l’avant quatre bornes rendent hommage aux officiers. Ce premier monument est remplacé par la stèle que nous connaissons aujourd’hui, financée grâce à une souscription du souvenir français, inaugurée et remise à l’Etat le 11 novembre 1932.
La Grande Tombe est immédiatement devenue un lieu de recueillement et de commémoration en souvenir de la première bataille de la Marne puis de Charles Péguy. La première cérémonie est attestée dès le 2 novembre 1914, à l’initiative de l’évêque de Meaux, Monseigneur Marbeau. Jusque dans les années 1930, des commémorations annuelles, auxquelles participent des personnalités éminentes, partent de la cathédrale de Meaux. Le circuit de processions s’arrête à la Grande Tombe et sur les autres lieux de mémoire du champ de bataille. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les cérémonies cessent mais le site ne subit aucun dommage.
Depuis 1945, l’Amicale Charles Péguy (fondée en 1941) organise une commémoration annuelle. Des cérémonies en présence de personnalités publiques importantes ont eu lieu à la Grande Tombe lors des jubilés. En 1994 pour le 80e anniversaire, deux ministres, François Léotard et François Bayrou étaient présents. En 2014, plusieurs cérémonies religieuses et civiles se sont déroulées à l’église de Villeroy, au mémorial Charles Péguy et à la Grande Tombe. Des reconstitutions historiques et animations ont été proposées.
Deux associations locales perpétuent la mémoire et œuvrent pour la préservation et la valorisation de la Grande Tombe et du patrimoine de la Grande Guerre (visites, reconstitution des combats, participation à des réhabilitations, organisation de commémorations, création d’un itinéraire de randonnée…). Le musée de la Grande Guerre de Meaux, équipement structurant sur la thématique, organise également des programmes incluant la visite de la Grande Tombe.