AR01 Cimetière militaire allemand de Chestres et Nécropole Nationale française de Chestres
La nécropole de Chestres est implantée sur le versant rive droite de la vallée de l’Aisne. Située à 114 mètres d’altitude, à quelques centaines de mètres du sommet de la butte, au lieu-dit Les Sablons. Epousant la pente, parfaitement orientée est-ouest, vers Jérusalem, comme un grand nombre de cimetières, notamment allemands. Son tracé ignore volontairement celui nord-ouest/sud-est de la route. Cette orientation levant-couchant confère au site un jeu de lumière particulier. La composition architecturale de l’ensemble valorise ce paysage, offrant au visiteur une perspective ascendante et un panorama sur la vallée. L’accès au site se fait depuis le bas de la pente, soit par l’entrée de la nécropole française, qui se poursuit par une allée centrale la divisant en deux parties symétriques, soit par celle du cimetière allemand, située quelques mètres plus loin au nord.
L’impression première est celle d’une nécropole binationale franco-allemande classique : croix grises, en granit, allemandes, à gauche, et croix blanches, françaises, à droite. En réalité, le site se révèle plus complexe dans sa composition. D’une part, il se divise clairement en deux cimetières distincts : le cimetière allemand et la nécropole française, dotés chacun d’une entrée propre qui se différencient à la fois par leur surface, mais aussi par l’espacement entre les tombes et leur orientation. D’autre part, la nécropole nationale française revêt un caractère multinational, puisqu’elle rassemble, outre les soldats français, des sépultures de légionnaires tchécoslovaques, de militaires et civils russes, de soldats et déportés du travail belges, et d’aviateurs du Commonwealth.
En traversant la nécropole française où reposent 2484 français dont 1147 en sépultures individuelles, on accède, au triangle tchécoslovaque établi au sommet sur un replat. Il se démarque du reste de l’ensemble funéraire par ses stèles massives (160) en pierre, puis par son obélisque de marbre brun rouge, honorant la mémoire de ces légionnaires.
Chacun de ces combattants bénéficie de la mention « Mort pour La France ». A proximité de ce carré, 7 tombes de civils belges déportés des Z.A.B. (Zivilarbeitersbataillonen) ornées d’un écusson aux couleurs belges et 3 sépultures de soldats belges, situées côte-à-côte, portant la mention « Mort pour la patrie ». Près de là se trouve le carré russe et ses 124 sépultures individuelles, tombes de prisonniers et de combattants dont chaque stèle, à croix latine, porte aussi la mention « Mort pour la Patrie ».
Fermant le site à sa partie supérieure, les trois ossuaires français (1337 corps), russe (122 corps) et tchécoslovaque (122), vastes caveaux carrés couverts de verdure, encadrés de murets et comportant chacun sur une stèle en pierre, une plaque commémorative en marbre. Au nord de ces derniers, un ossuaire allemand surmonté d’une croix en pierre noire, également végétalisé, vient clore le cimetière allemand où reposent 1843 combattants. Outre l’ossuaire dominé par une croix massive, il possède un monument régimentaire.
Ce cimetière multinational est créé officiellement en 1919, il a la particularité de regrouper le plus grand nombre de sépultures (320) tchécoslovaques du front ouest. En effet, les 21e et le 22e régiment de Chasseurs tchécoslovaques, constitués en janvier et mai 1918, quelques mois après la création d’une armée tchécoslovaque autonome, combattent autour de Vouziers, Chestres, Terron-sur-Aisne, Vandy et Voncq en octobre et novembre 1918. La nécropole nationale de Chestres, honore particulièrement leur mémoire. Le gouvernement tchécoslovaque dans l’après-guerre demande leur regroupement et choisit d’ériger un monument en leur honneur, il porte cette inscription « NA PAMET LEGIONARU 21. A22. CS. PLUKU KTERI PADLINA POLI SLAVU V LETECH 1914 – 1918 BOIUIICE ZA SVO BODU PO BOKUSVUCH DRUHU VE SPOIENE CKUCH ARMADACH ». Ildéfinit un modèle de stèle spécifique, fait du même matériau que le mémorial élevé à leur mémoire, non loin du cimetière, dans une roche propre, tout en les intégrant à l’ensemble funéraire français. En cela, il se distingue de celui de Neuville –Saint-Vaast, fait de croix latines. Les autres sépultures étrangères se fondent dans la nécropole française, qui elle-même s’intègre parfaitement dans le cimetière allemand mitoyen, aucune clôture ne les séparant. L’ensemble bénéficie d’une excellente intégration paysagère.
Ce site funéraire franco-allemand est aussi un site de regroupement par excellence où l’on note une grande diversité de statuts : combattants français, tchèques, slovaques, prisonniers russes, civils. Les corps proviennent de plusieurs dizaines de cimetières provisoires. Les corps des 10 prisonniers civils, des déportés des Z.A.B. (Bataillon de travailleurs civils), décédés suite à de mauvais traitements et de maladie proviennent du camp allemand de Brieulles. Des commémorations y sont régulièrement organisées, elles sont presque toujours plurinationales. La ville entretient des relations étroites avec les républiques tchèque et slovaque, la Tchécoslovaquie ayant financé au lendemain de la guerre la reconstruction de ses écoles.