LA VALLEE DE L’ANCRE

Secteur mémoriel de la Vallée de l’Ancre

Le secteur mémorial de la « Vallée de l’Ancre » se situe sur le plateau de l’Amiénois, sur les rives est et ouest de la rivière Ancre – un affluent de la Somme. Son organisation spatiale d’openfield en fait un paysage agraire ouvert, ponctué de villages, hameaux et bois. Le « saillant de Leipzig », sur les hauteurs, culmine à plus de 140m à l’est et constitue une véritable forteresse naturelle, dominant la vallée de l’Ancre. Au plan géologique, la vallée présente un limon argilo-sableux, tandis que le sol du plateau est constitué tant d’argile que de limon. Ces caractéristiques géologiques ont été utilisées pendant le conflit et ont eu un impact sur l’offensive.

Le secteur mémoriel « Vallée de l’Ancre » regroupe quatre éléments constitutifs. Son homogénéité, tant chronologique qu’environnementale, architecturale et spatiale, en fait un lieu mémoriel unique, doté d’un maillage très dense de mémoriaux, cimetières et paysages marqués par le conflit. Chacun se distingue par une identité individuelle forte et complémentaire. C’est un territoire rural totalement « sacralisé », pour lequel la dimension funéraire de la Première Guerre mondiale constitue la première caractéristique : outre les stèles des combattants inhumés dans les cimetières, c’est surtout le « missing » ou « disparu » en anglais qui se trouve au cœur du discours architectural.

En parallèle, la proximité et le principe de co-visibilité entre chaque élément constitutif contribuent à définir l’identité symbolique, esthétique et mémorielle unique qui caractérise cet espace, né de la bataille de la Somme en 1916 (1er juillet-18 novembre).

Les attributs secondaires du secteur mémoriel « Vallée de l’Ancre » sont essentiellement des cimetières du Commonwealth. Dans un périmètre plus vaste, d’autres héritages de la Grande Guerre, funéraires, militaires ou naturels maillent cet espace, comme le Lochnagar Crater (trou de mine) à La Boisselle, la nécropole française de Serre-Hébuterne, le Courcelette British cemetery… Situés aux abords des éléments constitutifs, ils renforcent la dimension mémorielle du secteur et le définissent comme l’un des plus représentatifs de la guerre totale, destructrice, meurtrière et mondiale.

SE01 Mémoriaux du Commonwealth « Beaumont Hamel (Newfoundland) Memorial » & « 29th Division Memorial », Parc du souvenir du Commonwealth « Beaumont Hamel (Newfoundland) Memorial Park » & cimetière militaire du Commonwealth « Hunter’s Cemetery »

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Au nord de la ville d’Albert, sur le plateau dominant la rive droite de la rivière Ancre, entre Beaumont-Hamel et Hamel, dans un paysage d’openfield, le parc commémoratif terre-neuvien nous rappelle le lourd tribut payé par les hommes pour rétablir la paix. Cet espace boisé et son pourtour abritent, en son centre, les vestiges d’un champ de bataille authentique (no man’s land et « arbre du danger », premières lignes de chaque camp, tranchées de communication, trous d’obus…) mais aussi des édifices illustrant la mort de masse. Trois cimetières et trois mémoriaux, dont le mémorial national terre-neuvien, en font un site profondément marqué par la dimension funéraire conjuguant une pluralité de formes mémorielles traduisant la violence de guerre et sa cruauté.

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Près de l’entrée, le mémorial à la 29e Division britannique est un triangle de pierre. A proximité, le mémorial national terre-neuvien porte trois plaques de bronze où sont gravés les noms des 820 Terre-Neuviens morts sans sépultures connues. Son aménagement reflète l’identité terre-neuvienne à travers ses roches et ses espèces végétales apportées de Terre-Neuve et son  caribou, symbole régimentaire terre-neuvien (Royal Newfoundland Regiment), œuvre du sculpteur britannique Basil Gotto. De ce haut lieu de mémoire, le regard embrasse le vaste panorama du  champ de bataille, un « polémo paysage relique » incitant à une profonde réflexion. A l’horizon, la vision de trois cimetières  (Hawthorn Ridge Cemetery nº 2 et Y Ravine cemetery, Hunter’s Cemetery) ne peut qu’approfondir cette impression. Dans les deux premiers reposent des hommes tombés le 1er juillet 1916. Dans le Y Ravine cemetery reposent notamment  des soldats de Terre-Neuve ; dans le Hathorn Ridge cemetery n°2 rsont inhumés notamment des Gallois et des Irlandais (South Wales Borderers, Royal Dublin Fusiliers) et d’autres soldats britanniques. Ils furent retrouvés et inhumés au cours du printemps et de l’été 1917 après la reconquête par les Britanniques de ce secteur. Situé au sommet de l’Y Ravine, le Hunter’s cemetery dont la forme circulaire rappelle qu’il a été créé dans un trou d’obus, réunit les corps de quarante et un combattants écossais de 51e division (Higlands) morts lors de la reprise du village de Beaumont-Hamel le 13 novembre 1916 et inhumés après les combats  dans une fosse commune sans stèle. Un monument représentant un Higlander rappelle leur présence.

Un centre d’accueil et d’interprétation explique les raisons de l’engagement de Terre -Neuve et retrace l’histoire du Royal Newfoundland Regiment.

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Beaumont-Hamel est conquis par les troupes allemandes à la fin août 1914. À l’automne, la ligne de front se stabilise notamment dans le village et permet à l’armée allemande de renforcer ses positions. Les lignes allemandes de Beaumont-Hamel représentent l’un des objectifs de l’offensive britannique du 1er juillet 1916, la première offensive d’envergure sur ce front depuis 1914. Ces lignes sont l’objectif assigné aux troupes de la 29e division britannique, dont fait partie le Royal Newfoundland Regiment. Créée en 1914, c’est la seule unité exclusivement terre-neuvienne qui participa à la Grande Guerre. Elle combat pour la première fois en France à Beaumont-Hamel. Les troupes parties à l’assaut sont décimées, à la fois dans le no man’s land et dans les tranchées devenues impraticables. Environ 85% des combattants terre-neuviens y périssent ou sont blessés en moins de vingt minutes, dont tous les officiers. C’est le régiment qui  subit les pertes les plus lourdes.

Beaucoup de soldats furent inhumés en urgence sur le champ de bataille, leur corps ne fut pas retrouvé. Certains furent réinhumés dans le Y ravine cemetery, créé par le 5e corps d’armée au cours de l’été 1917 quelques mois après la reconquête de Beaumont-Hamel. Plus d’un tiers d’entre eux n’ont pu être identifiés et parmi eux 8 tombes signalent la présence de soldats de Terre-Neuve. Le Hawthorn Ridge cemetery n°2 est associé également à l’offensive du 1er juillet 1916 et réunit les tombes de nombreux soldats gallois, irlandais, britanniques tombés ce jour là, dont le corps fut réinhumé au printemps 1917. Enfin, le Hunter’s cemetery est un site funéraire singulier. Les soldats écossais qui y reposent ont été tués lors de la reprise de Beaumont-Hamel le 13 novembre 1916. Inhumés dans une sépulture d’urgence (un cratère d’obus) le lendemain du combat, l’IWGC décida de  pérenniser cette sépulture, en disposant les stèles de façon à en respecter la forme originelle.

Dans la mémoire terre-neuvienne, le 1er juillet incarne un véritable traumatisme, endeuillant toute la population. Dès 1919, Terre-Neuve investit le terrain où s’est illustré le Royal Newfoundland Regiment pour y ériger un mémorial national dans un parc commémoratif préservant les vestiges hérités du conflit. L’ancien aumônier du régiment, le Père Nangle voulait faire de ce lieu non seulement un hommage aux soldats de Terre-Neuve, mais aussi « le plus grand mémorial historique de ce que la Grande Guerre a vraiment signifié ».  Le terrain est acheté sur les fonds propres du gouvernement et avec les dons récoltés par les femmes de Terre-Neuve. Réalisé par l’architecte paysagiste R.H.K. Cochius, il est inauguré le 7 juin 1925 par le Field Marshal Haig. En parallèle, Terre-Neuve construit 4 autres lieux de mémoire, plus modestes, sur le front occidental. Les cimetières et mémoriaux du site sont aménagés dans les années 1920, célébrant une mémoire plus britannique, notamment écossaise. Une cérémonie y est organisée chaque 1er  juillet par l’État canadien, en hommage aux combattants terre-neuviens, systématiquement en présence de hautes autorités (Le Prince de Galles en 2016). Depuis 1997, le site est un « lieu historique national du Canada ». Le tourisme de mémoire s’y est développé de manière précoce. Il est fréquenté par les familles de combattants morts ou disparus et par des visiteurs anglo-saxons ainsi que des publics scolaires français et britanniques (près de 200 000 visiteurs par an).

SE02 Cimetière militaire du Commonwealth « Mill Road Cemetery »

Le cimetière militaire du Commonwealth Mill Road Military Cemetery se situe sur le plateau picard, à 1km à l’ouest du village de Thiepval, sur la redoute dite « de Souabe ». Il s’inscrit dans un paysage d’openfield, ponctué de bois ; dominant la vallée de l’Ancre, il offre un panorama sur les sites  mémoriels et funéraires alentours, la Tour d’Ulster, mémorial aux Irlandais et le « Connaught Cemetery ».

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Dans ce cimetière reposent 1 304 combattants, dont seulement 37,5% sont connus, mais tous possède une sépulture individuelle. Son plan  et la scénographie lui confèrent une esthétique particulière. Délimité par un muret en pierre, un pavillon surmonté d’un dôme accueille le visiteur. La Croix du Souvenir lui fait face. Un abri se trouve au nord-ouest. Des stèles implantées verticalement, comme c’est l’usage, sont réparties sur les côtés et positionnées en vis-à-vis. Mais dans sa partie centrale, les stèles sont posées  horizontalement sur le sol parce que celui-ci a été rendu instable par les opérations militaires de la Grande Guerre, l’existence d’anciens abris et galeries souterrains. Ceci conduit la CWGC à disposer ainsi une partie des stèles afin d’éviter de les voir se pencher ou tomber. Cette spécificité esthétique souligne la dévastation du terrain engendrée par des combats très violents et la longévité de la guerre de positions dans le secteur. Cette mise en scène paysagère est extrêmement rare. Elle se retrouve également au Cimetière militaire du Commonwealth Wimereux Communal Cemetery, situé à l’arrière-front, pour des raisons pédologiques et météorologiques. Des petits mémoriaux réalisés en l’honneur de combattants dont les tombes furent bombardées et dont ne retrouva pas les corps y sont conservés.

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Le secteur de Thiepval est conquis par les troupes allemandes dès la fin septembre 1914 et fortifient la zone. Lorsque les troupes britanniques la 36e Division britannique (Ulster), partie du bois de Thiepval  qui ont remplacé les Français à partir de 1915 lance la bataille de la Somme, elles se heurtent  violement aux positions allemandes, connues sous le nom de Hansa Line  et surtout à un point d’appui redoutable la Schwaben Redoubt. Après un bref succès, ils se heurtent à la deuxième position allemande, la Stuff Redoubt. Et la ligne de front revient à sa position initiale. Lors du repli, les pertes enregistrées sont lourdes. Finalement, le secteur est conquis définitivement le 26 septembre 1916, par la 18e Division.

Profitant du repli allemand derrière la ligne Hindenburg au printemps 1917, l’armée britannique érige le Mill Road Cemetery, dénommé  d’abord  Mill Road Cemetery No.2, profitant du repli allemand derrière la ligne Hindenburg. A l’armistice il compte 260 sépultures mais il est rapidement agrandi pour inhumer les morts des champs de batailles de Beaumont-Hamel  et de Thiepval.

Aménagé par Sir Herbert Baker dans les années 1920, il est agrandi afin de recevoir en plus des 260 tombes initiales celles de quatre petits cimetières provisoires alentours : « Divion Road Cemetery n°1 »,  « Divion Road Cemetery n°3 », « Mill Road Cemetery n°1 » et « Saint-Pierre Divion n°2 », ainsi que des corps de combattants retrouvés sur les champs de bataille de Thiepval et de Beaumont-Hamel qui n’avaient pas été enterrés. Depuis les années 1920, des mouvements de terrain très locaux ont rendu la surface instable devant la croix du sacrifice, conséquence des combats qui ont bouleversé le sol et de l’aménagement défensif allemand sous-terrain très poussé. Cette nécessité lui confère une esthétique originale. En outre, le cimetière symbolise la violence de guerre par le nombre important de corps de combattants non-identifiés. Au plan mémoriel, le site est visité, tant pour les combattants qui y sont inhumés, que pour ses spécificités esthétiques et sa proximité avec la Tour d’Ulster – le premier mémorial érigé sur le front occidental dès 1921, en l’honneur des combattants de la 36e Division de l’Ulster.

 

SE03 Monument aux disparus du Commonwealth « Thiepval Memorial » & Cimetière Militaire franco-britannique « Thiepval Anglo-French Cemetery »

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Le site s’inscrit au nord de la ville d’Albert, à environ 9km et domine la vallée de l’Ancre. Le paysage alentour est rural, il est caractérisé par une très forte densité de lieux de mémoire. L’accès au mémorial se fait depuis le village de Thiepval. Edifié au sommet du plateau on l’aperçoit à plusieurs kilomètres alentour. S’élevant à 45m, c’est le plus grand monument commémoratif britannique au monde, il domine le paysage. L’architecte, Sir E. Lutyens, dessine  une arche reposant sur 4 piliers, eux-mêmes reprenant la même forme. Ce parti-pris architectural offre des perspectives visuelles vers les quatre points cardinaux. C’est une représentation symbolique des disparus qui se retrouvent au cœur du dispositif mémoriel, architectural et esthétique du site. Les noms de 73 367 « missing » sont inscrits par régiment sur les colonnes de l’arche. Une dédicace est gravée sur le fronton du monument : « Aux armées française et britannique, l’empire britannique reconnaissant ». Cette alliance est symbolisée par les drapeaux du Royaume-Uni et de la France au-dessus du monument. À l’ouest, le cimetière franco-britannique est constitué de 600 stèles (300 britanniques et 300 françaises), au pied du mémorial. Cet ensemble obéit à une mise en scène paysagère remarquable, permettant au mémorial franco-britannique de Thiepval de dominer totalement son environnement, parfaitement préservé. La portée esthétique et symbolique du monument s’en trouve renforcée, conformément au discours architectural de Lutyens conçu dans les années 1930.

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Le secteur de Thiepval a été conquis par les troupes allemandes fin août 1914. À l’automne 1914, le front se stabilise à Thiepval. Les troupes allemandes sont les mêmes de 1914 à 1916 et renforcent leurs positions par des aménagements solides et une fine maîtrise du terrain. En 1914, l’armée britannique recrute des volontaires, pour compléter les effectifs militaires professionnels. Prévue le 1er juillet 1916, la bataille de la Somme souligne le caractère total de la guerre par ses dimensions humaine, matérielle, technique et industrielle. A partir du 24 juin, un bombardement intense vise à anéantir les lignes allemandes et à permettre une avancée rapide et décisive de l’infanterie. Thiepval est une place forte stratégique essentielle. Les troupes britanniques, près de la rivière Ancre, partent en contrebas des lignes allemandes, dont les installations et les troupes n’ont pas subi les dommages escomptés. Les Allemands endiguent facilement l’assaut des combattants anglo-saxons : pas un soldat ne parvient à atteindre l’objectif. Thiepval est symbolique de la tragédie humaine qu’est la bataille de la Somme, la plus meurtrière du conflit et de toute l’histoire militaire britannique. Thiepval est conquis le 25 septembre 1916. Pour les Britanniques, le village incarne la mémoire du sacrifice de jeunes combattants volontaires, tombés en masse. La figure du « disparu » bouleverse l’opinion publique britannique. La bataille se termine le 18 novembre 1918 dans des conditions météorologiques épouvantables. Elle provoqua au total plus d’un million de pertes en cinq mois. En 1917, le front s’éloigne vers l’est. La décision est prise d’ériger à Thiepval le mémorial dédié aux disparus de la Somme, britanniques et sud-africains, d’autres mémoriaux sont érigés par les dominion concernés. Dans un premier temps  le grand mémorial devait être érigé à Saint-Quentin mais le refus de l’administration française fit que la commission décida de l’élever au-dessus du point d’appui de Thiepval, qui causa tant de morts dans les rangs de l’armée britannique et française. Dédié aux deux armées pour atténuer les regrets du gouvernement français qui, faute de moyens financiers, ne pouvait réaliser pour les siens un tel chef d’œuvre, il fut décidé de créer à proximité un cimetière mixte franco-britannique.

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Son architecture est confiée à E. Lutyens. Les patronymes gravés sont ceux des disparus tombés dans la Somme de l’été 1915 au 20 mars 1918 dont 90% des noms pendant la bataille de la Somme. À l’hiver 1931-1932, un cimetière bi-national franco-britannique, est érigé au pied du mémorial pour inhumer des corps retrouvés entre janvier 1931 et mars 1932, sur le champ de bataille de la Somme, de Loos (59) et du Quesnel (80). Une dédicace gravée sur la croix du sacrifice rappelle l’alliance des combattants des deux pays, frères d’armes : « Pour rappeler au monde le sacrifice commun de deux millions et demi de morts ; ici ont été inhumés et reposent côte à côte des soldats de la France et de l’empire britannique. Frères d’armes pour l’éternité ». Le site est inauguré le 1er août 1932 par le Prince de Galles et le Président de la République française, Albert Lebrun. Par la suite, des corps ont été retrouvés et identifiés. Ils ont été progressivement inhumés dans des cimetières de la CWGC, tandis que leur nom a été effacé du mémorial. Au 12 aout 2016, 72 244 patronymes britanniques et sud-africains y sont toujours inscrits. Le Mémorial de Thiepval incarne la bataille de la Somme dans la mémoire britannique. C’est le lieu emblématique dédié aux disparus, le  symbole de la tragédie humaine qui s’y est jouée. Au plan commémoratif, une cérémonie importante est organisée chaque 1er juillet et mobilise des représentants institutionnels : en 1966, la reine Elizabeth II et son époux assistèrent aux cérémonies du cinquantenaire, en 2016 le Premier Ministre britannique, le Prince de Galles et le Président de la République François Hollande étaient présents. Dans le cadre du centenaire de la bataille de la Somme, le Mémorial franco-britannique de Thiepval a été désigné par l’État britannique comme l’épicentre mondial des commémorations. Le site est fréquenté par 215 000 visiteurs en moyenne chaque année.

SE04 Cimetière militaire & mémorial du Commonwealth “Pozières British Cemetery” & “Pozières  Memorial”

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Le cimetière militaire du Commonwealth Pozières British Cemetery et le Commonwealth Pozières Memorial sont situés sur le plateau picard, le long de la départementale reliant Albert à Bapaume. Dans ce paysage d’openfield, la topographie (altitude 125m) et l’architecture du site due à W. H. Cowlishaw font de lui un marqueur du territoire. Ce cimetière mémorial de par son plan, son esthétisme, sa scénographie se démarque des cimetières du CWGC. Son architecture réédite celle du Dud Corner Cemetery and Loos Memorial. Le mémorial enserre le cimetière. Sa façade est remarquable : elle se présente sous forme d’un mur ajouré, ponctué d’une série de trente colonnes doubles, réparties de part et d’autre d’une porte monumentale, le tout en pierre de Portland. Un pavillon dans chaque angle finit de composer l’ensemble. La porte est dotée de colonnes et est fermée par une grille métallique. Cette dédicace est gravée sur son fronton : « Pozieres Military Cemetery – In memory of the officers and men of the fifth and fourth armies who fought on the Somme battlefields 21th March – 7th August 1918 and of those of their dead who have no known graves ».

À l’intérieur, le cimetière s’étend au cœur du mémorial. Là 2 760 stèles blanches sont réparties harmonieusement, 1 382 ne sont pas identifiées. Un combattant allemand y est aussi inhumé. La Croix  du sacrifice, surélevée, fait face à l’entrée. Le Mémorial est implanté sur le mur d’enceinte. Il s’agit de plaques de pierre qui y ont fixées entre des colonnes. Dessus figurent les noms de 14 694 combattants portés disparus britanniques et sud-africains  le 12 août 2016.

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Le village de Pozières est conquis par les troupes allemandes dès août 1914. Il se trouve entre la 2e et la 3e lignes allemandes dès la fin de l’épisode de la « Course à la mer », à l’automne 1914. C’est un nœud défensif allemand important situé en altitude, sur le plateau, qui permet de dominer son environnement et de contrôler la route Albert-Bapaume – essentielle en terme de logistique et ravitaillement. Les troupes allemandes y aménagent de très solides fortifications et installations : sous-terrains, gigantesques blockhaus observatoires, nombreuses mitrailleuses… En 1916, dans le cadre de la bataille de la Somme, le village de Pozières fait partie des objectifs britannique à atteindre. Le 23 juillet 1916, la 1ère  Division australienne et la 48e South Midlands Division lancent l’assaut et obtiennent la victoire le lendemain. L’artillerie allemande bombarde ensuite sans relâche le village de Pozières, les voies d’accès et les troupes australiennes. Il est vécu comme l’un des pires, si ce n’est le pire bombardement subi par les Australiens sur le front occidental. Au moment de sa relève, la 1ère Division a perdu 5 000 combattants. La ligne de front s’établit au nord du village, à l’emplacement du moulin, puis s’éloigne, notamment à la faveur du repli allemand derrière la ligne Hindenburg en 1917. Le 21 mars 1918, l’armée allemande lance la Kaiserschlacht (Bataille de l’empereur), mettant fin provisoirement à la guerre de positions. Pozières est reconquis les 24 et 25 mars 1918 par les troupes allemandes. Finalement, la 27e  Division reprend définitivement le contrôle du secteur le 24 août 1918.

Le cimetière est ouvert pendant le conflit par des unités combattantes et des ambulances, pour y inhumer les corps de soldats tombés de 1916 à 1918. Le reste du cimetière a été aménagé après l’armistice par l’architecte W. H. Cowlishaw et la sculpture par Laurence A. Turner, pour y enterrer les tombes de combattants tombés dans le secteur, pour la plupart à l’automne 1916, mais également en 1918. Enfin, des tombes de cimetières des environs ont été regroupées dans le Pozières British Cemetery. Le Mémorial a été érigé autour du cimetière pour rappeler la mémoire de combattants britanniques et sud-africains victimes de l’avancée et de la nouvelle occupation allemande du 21 mars au 7 août 1918 et ne disposant pas de sépultures connues. Le mémorial est inauguré par Sir Horace Smith-Dorrien le 4 août 1930 et fait écho au Mémorial de Thiepval.

Dans la mémoire collective australienne, Pozières est un site emblématique : il s’agit de la première victoire australienne sur le front occidental – remportée dans le contexte difficile du début de la bataille de la Somme et ayant causé de nombreuses pertes. Elle incarne également le courage de troupes qui ont tenu les lignes, malgré les conditions extrêmement difficiles. De nombreux Australiens y viennent en pèlerinage. Le site est fréquemment visité par des touristes de mémoire, pour son esthétique recherchée, les hommes qui y sont inhumés, mais aussi notamment parce qu’il conjugue deux formes mémorielles : un cimetière et un mémorial.