MORHANGE/RICHE

Secteur mémoriel de Morhange / Riche

Situé au centre du département, ce secteur mémoriel de Morhange/Riche appartient à « l’amphithéâtre du plateau lorrain » aux vallées parsemées d’étangs. S’étendant sur les Pays du Saulnois et de Saint-Avold, ce site est desservi par la gare de Morhange. Dans ce paysage à dominante rurale, les sites funéraires (11), les mémoriaux (6) et l’ancienne garnison de Morhange évoquent les événements du 19-20 août 1914 gravés à jamais dans la mémoire locale.

Composé de deux éléments constitutifs intrinsèquement liés à l’histoire, à la nature et au relief disposant de zones tampons respectives, le secteur mémoriel est emblématique des combats menés par l’armée française lors de guerre des Frontières. Ces sites possèdent une complémentarité liée à a bataille de Morhange, le premier illustrant la nécropole in situ du champ de bataille, le second le cimetière d’hôpital.

MS01 Nécropole nationale française de Riche

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C’est la plus grande nécropole, in situ, de la Bataille des Frontières: 2 574 corps y reposent. Parmi les 2 416 Français, 1 328 sont inhumés en sépultures individuelles et 1 088 en deux ossuaires. Dans ces derniers, reposent des inconnus exhumés des tombes isolées dans les champs, et des corps identifiés des cimetières provisoires et civils environnants. Des prisonniers russes (358) y sont aussi rassemblés.

Son  plan d’ensemble, de forme trapézoïdal, est proche de son plan initial. De part et d’autre de l’allée centrale, les tombes sont disposées parallèlement à la route. Cette organisation met en valeur le monument qui, encadré des deux ossuaires, domine le cimetière. En grès de Saverne, c’est une pyramide tronquée puissante et élancée, haute de huit mètres, œuvre de l’architecte L. Marchal et du sculpteur C. Petit. Des quatre flancs, une croix mosaïquée d’or vert se détache en haut relief. Il rend hommage à tous les héros morts pour la France le 19-20 août 1914. Au sud-est, se dresse la chapelle commémorative néogothique aux vitraux historiés en pierre d’Einville, don de son propriétaire à la fabrique. Démontée du château de Bathélemont (Moselle) et remontée pierre par pierre, sa rosace et les deux vitraux du chœur sont d’origine. Ses vitraux historicisés, œuvre de G. Hanssen et du verrier J. Gross de l’école de Nancy, sont postérieurs au second conflit mondial. Offerts par cette ville et par la population de Jarville en remerciement au Général Castelnau pour sa victoire au Grand Couronné, ils retracent la bataille de Morhange, les malheurs de la guerre et l’espérance de la reconstruction.

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Engazonnée, cette nécropole jouit d’une excellente intégration paysagère. Sa clôture soulignée d’une haie de charme assure une transition harmonieuse avec les champs cultivés. Quelques arbres la ponctuent lui donnant du relief.

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Créée, en Lorraine annexée, par les Allemands, le 21 août 1914, après le repli de l’armée française, là où les combats furent des plus violents et sanglants, cette nécropole nous renseigne sur le traitement de la mort du combattant. Après leur progression, le 19 août 1914, dans les vallées de la Nied française et de la Petite Seille, les troupes françaises piégées dans la plaine subissent de plein fouet la contre-offensive allemande du 20 août. Dans son repli, l’armée française abandonne ses morts et une partie de ses blessés. Face à cette hécatombe, le commandement allemand ordonne d’inhumer tous les morts quelle que soit leur nationalité. Elle requiert les civils des villages (jeunes non mobilisés, hommes âgés, instituteurs, maires,…) pour ramasser sans distinction de nationalité, tous les corps et procéder à leur identification comme à Oron et Frémery. Puis, elle ordonne leur inhumation provisoire dans des fosses communes, remettant à plus tard l’aménagement de sépultures individuelles. Le 25 août 1914, sous la pluie, se déroule la bénédiction des deux premières fosses où sont placés les cercueils. Tous, sans distinction de nationalité reçoivent les honneurs. Cette cérémonie est la première cérémonie œcuménique de la guerre. Le 20 août 1915, les Allemands y instituent une journée annuelle du Souvenir et la célèbrent chaque année. Tous les morts sont honorés dans un esprit universel et fédérateur. L’autorité allemande « paysage » le cimetière et l’orne d’une grande croix blanche puis d’un monument, sorte de cairn surmonté d’une croix. À la fin de 1918, elle devient la première nécropole française  de regroupement, phénomène amorcé par l’occupant allemand. En 1919, est érigé le premier monument provisoire français (Lacapelle) puis, en 1924, le monument commémoratif définitif dit du Groupe Turenne. Sa chapelle néo-gothique commémorative est inaugurée en 1928. En 1934, la nécropole revêt l’aspect standardisé (stèles et disparition de son caractère paysager) de nécropole de guerre. Elle connaît une réfection en 1957, période où elle retrouve un caractère paysager. Les regroupements ultimes sont opérés en septembre/octobre 1967 (cimetière d’Oron). En 1968, puis en 1979, on procède à la réfection des emblèmes de l’ossuaire et de  la chapelle. Durant toute la guerre et depuis cette dernière, la nécropole a toujours été très bien entretenue et a fait l’objet de commémorations régulières depuis la première commémoration œcuménique de la Toussaint 1914 jusqu’à nos jours, hormis durant le second conflit mondial. Depuis 1919, les municipalités de Riche et de Morhange les organisent, puis Riche seule depuis 1926 (changement de dénomination de la nécropole). En 2015, elles associent les Communautés de communes du Pays du Saulnois et du Centre Mosellan. Ces cérémonies honorent aussi le monument Gardeur d’où la population et les officiels partent en procession vers la nécropole comme les Allemands l’organisaient depuis Morhange. Ce bien est emblématique pour l’armée française, l’école militaire de Saint-Cyr y rend régulièrement hommage aux siens tombés ici. Enfants et  jeunes des collèges et lycées s’y réunissent alors et pérennisent cette mémoire bien vivante dans un message de paix, chacun d’entre eux ayant adopté une tombe.

 MS02 Cimetière militaire allemand de l’Hellenwald

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Dans le clair-obscur, reposent, en ce lieu  4 574 soldats allemands en majorité en deux ossuaires; quatre-vingt seulement sont inconnus. Ce cimetière, de forme carrée, s’inscrit dans un espace forestier qui en fait un  havre de réflexion et de paix. Orienté est-ouest et sous son sous-couvert végétal originel, il conserve, à l’arrière du cimetière militaire de 1914-1918, de belles stèles du 19e, héritage du cimetière de garnison.

De part et d’autre d’une allée centrale s’alignent les croix de fer des tombes individuelles du cimetière 14-18 et quelques stèles juives. A son extrémité, se dresse un mausolée surmonté d’une croix en fer forgé, symbolisant tous les combattants morts pour leur patrie. A l’extrémité de chaque bras de la Croix, emblème du sacrifice et de l’espérance, sont placés les deux grands ossuaires, lieux d’inhumation de la plupart des corps exhumés des petits cimetières des environs ou des carrés militaires des cimetières civils mais aussi de ce cimetière. Sur des plaques de bronze sont gravés leurs noms.

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Le cimetière de garnison, créé en 1893 par l’armée allemande à Morhange, première ville allemande après Metz en Lorraine annexée, devient statutairement le premier cimetière militaire allemand du front le 7 août 1914 pour inhumer les soldats décédés lors d’opérations de reconnaissance. Après la bataille de Morhange (19-20 août 1914), le calme rétabli, l’administration militaire allemande y autorise l’inhumation en tombes individuelles, aux côtés des soldats allemands, des infirmières et travailleurs civils allemands (275), des soldats français (183 dont 27 inconnus) décédés dans les hôpitaux de Morhange, puis  à partir de 1917 de leurs alliés (169) dont  des soldats et aviateurs du Commonwealth et des prisonniers russes et italiens. A côté des 803 tombes individuelles de la guerre, il compte, pour faire face aux épidémies (typhus, grippe) des tombes collectives (5 françaises et 15 allemandes) où reposent  38 français et 1242 allemands. En 1918, 2042 corps y reposent, cimetière de garnison exclus. Le cimetière est fort bien entretenu pendant toute la guerre. L’armée allemande fait sien le traitement égalitaire de la mort du combattant, tombé pour sa patrie quelle que soit sa nationalité. Son plan est originel, la sépulture individuelle est de règle, les corps regroupés reposant en ossuaires. Pendant le conflit, les cérémonies commémoratives s’y déroulent le même jour qu’au cimetière de Riche.

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Après la guerre, le cimetière de garnison est maintenu, lors du réaménagement du cimetière par l’Etat français, suite à la demande de l’Etat allemand de voir préserver les concessions perpétuelles d’où leur regroupement dans l’angle nord-ouest du cimetière. Il conserve ses alignements de sépultures individuelles (1966) et de croix de bois, puis, après le second conflit mondial, de fer réparties de part et d’autre d’une allée centrale, à l’extrémité de laquelle l’on dresse une croix de fer forgé. En effet, la croix érigée par les Allemands dans le cimetière mixte de Riche y est transférée en 1923. L’autorité française désigne alors l’Hellenwald pour recevoir les sépultures allemandes des 51 communes situées aux alentours, principalement de Vergaville, Riche, Dieuze, Lidrezing, Bréhain, Viviers et Loudrefing, d’où les deux ossuaires (2788). Ceci entraîne parfois deux exhumations consécutives (transfert de corps de Vic -sur- Seille à Vergaville, puis à Morhange). Les corps des soldats français, des prisonniers italiens et russes sont exhumés et inhumés à la nécropole de Riche tandis que ceux des prisonniers alliés du Commonwealth le sont à Sarralbe.

L’étude des listes montre la relativité de l’application de la loi du 29 décembre 1915 : le principe de l’attribution d’une tombe individuelle n’est pas de règle. Aucun des Allemands inhumés à Riche n’en bénéficie. En 1927, le Volksbund entreprend des travaux d’amélioration, puis à la fin des années soixante: engazonnement du cimetière, plantation de buissons en bordure, aménagement d’une nouvelle entrée avec la construction de deux pilastres en pierre naturelle soutenant un portail en fer forgé. On restaure  le mausolée et on remplace sa croix de fer disparue.

Dès 1914, l’artiste Suisse Jacques Hablützel, reporter de cette terrible et sanglante bataille dite de Morhange  du 19-20 août s’inspire de ce bien (Collections du Musée de la Corne d’Or, Metz). Son couvert végétal  évoque sa conception germanique.

Des commémorations et des cérémonies œcuméniques se déroulent dès 1914 sur ces lieux. De nos jours, les commémorations annuelles se poursuivent. Ce bien est de plus en plus visité par les familles allemandes, la population locale, car lieu de promenade.