MA03 Cimetière militaire & chapelle russe de Saint-Hilaire-le-Grand
Edifiés sur le plateau de la Champagne crayeuse, caractérisée par une végétation de résineux et de végétation basse, près du village de Saint-Hilaire-Le-Grand, le cimetière et sa chapelle bénéficient d’un écrin de verdure fait de résineux et de bouleaux. Ce dernier rehausse leur identité dans la plus pure tradition orthodoxe. Ils représentent véritablement, à échelle réduite, la Russie.
Dans le cimetière militaire 489 soldats reposent en tombes individuelles et 426 en deux ossuaires. Un monument situé au sein du cimetière récemment réhabilité, porte une plaque émaillée, scellée à son pied présentant une épitaphe en cyrillique ornée de l’aigle bicéphale, emblème de l’Empire russe.
La chapelle orthodoxe russe, de taille modeste, présente un style inspiré du 15e siècle russe dit de Novgorod-Pskov (style byzantin). Sa toiture vert-bronze est surmontée d’un bulbe bleu et d’un clocher en forme de pyramide tronquée coiffé d’un bulbe doré garni de trois cloches. Les élévations en parpaings et le toit en béton sont peints. L’intérieur de la chapelle est décoré dans la plus pure tradition orthodoxe, de fresques religieuses et d’icônes, œuvres des artistes P.A. Fédoroff et de la princesse E. S. Lvova. Là sont conservés des souvenirs du corps expéditionnaire russe : fanions, clairons, lettres, diplômes, etc. Sa construction a été confiée à Albert Alexandrovitch Benois, un architecte et peintre d’origine française né à Saint-Pétersbourg. Un alignement de tombes d’anciens officiers russes est visible sur le bord nord de la chapelle. Elles portent la croix orthodoxe, maintenant la mémoire de ceux qui ont pérennisé et valorisé le site.
Le cimetière a été créé dès l’été 1916 et est situé juste derrière l’ancien front dans un repli de terrain permettant son édification. Il recueille les corps de combattants russes des 1ère et 3e Brigades ainsi que ceux de la Légion russe venues combattre en Champagne entre juillet 1916 et avril-mai 1917. La plupart des morts sont tués lors de l’offensive du 16 avril 1917. Les deux brigades sont ensuite retirées du front pour cause de troubles révolutionnaires et les loyalistes terminent la guerre auprès des alliés au sein de la Légion russe.
L’association des officiers russes anciens combattants sur le front français, créée en 1923, perpétue et développe la mémoire du lieu. Elle fait l’acquisition de la parcelle voisine au cimetière. En 1936, l’association initie sur cette parcelle la construction d’une chapelle commémorative et lance une souscription à laquelle le célèbre compositeur russe Serguei Rachmaninov contribue. Elle est inaugurée le 16 mai 1937.
L’écrivain Jean Giono a dédié le chapitre du livre, « Solitude de la pitié » à la mémoire de son ami russe, le soldat Ivan Ivanovitch Kossiakoff, tombe n°372 du cimetière. L’écrivain soviétique dissident Alexandre Soljenitsyne s’est rendu au cimetière russe de Saint-Hilaire-Le-Grand le 6 avril 1975 et a participé à un office religieux dans la chapelle. Cette visite l’inspire dans la suite donnée à son ouvrage » Août 14″. En 1990, l’association du souvenir du corps expéditionnaire russe en France (ASCERF) reprend la gestion de l’ancienne association des officiers russes faute de survivant. Soulignons que certains anciens officiers, décédés depuis, ont souhaité avoir leur sépulture près de la chapelle. En 1998, pour la première fois, l’ambassadeur de la Fédération de Russie a participé aux commémorations accompagné du secrétaire d’Etat aux anciens combattants Jean-Pierre Masseret. La Russie est depuis officiellement représentée lors des cérémonies annuelles.
Ce lieu est imprégné de l’esprit orthodoxe à travers son architecture, sa scénographie, et le protocole de célébration. Avec les valeurs culturelles qui se rattachent au site, il se caractérise comme étant un coin de terre de la Russie. Un pèlerinage annuel a lieu chaque dimanche de Pentecôte (messe orthodoxe, bénédiction des tombes, chorale russe…) et un repas traditionnel perpétue une tradition inaugurée le jour de la consécration de la chapelle-mémorial en 1937. Des organisations de jeunes d’origine russe (vitiaz, scouts et sokols) prennent part systématiquement à cette commémoration.