SEDAN

AR02 Monument allemand du cimetière Saint-Charles

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Situé au nord du centre ancien de Sedan, le cimetière Saint-Charles regroupe un cimetière civil et un carré militaire. Au centre du cimetière civil, se trouve un imposant monument édifié de juin à octobre 1915 à la mémoire des morts allemands de la guerre.

Ce monument en béton au plan rectangulaire de 9,3 mètres de long sur 5,35 mètres de large, est élevé sur un soubassement surélevé sous lequel se trouve une fosse commune (cf. plan). On y accède par une première volée de quatre marches. Par sa conception,  Il ressemble à une porte d’entrée vers le ciel. Le monument lui-même comporte un double alignement de quatre colonnes supportant un toit en terrasse. Les angles sont marqués par des piliers massifs, couronnés en façade de guirlandes de fruits stylisés. On accède à l’espace intérieur, par une seconde volée de cinq marches. Les entrées sont aménagées sur les pignons.

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La façade principale porte sur son architrave une inscription de quatre lignes, texte poétique de Joseph vonLauff :

« Kämpfendfür Kaiser und Reich, nahmGott uns die irdische Sonne. JetztvomIrdischenfrei, strahlt uns sein ewigesLicht. Heilig die Stätte, die ihrdurchblutigeOpfergeweihthabt! Dreimalheiligfür uns durchdasOpfer des Danks. »

«  Combattant pour l’Empereur et pour l’Empire, Dieu nous a pris le soleil terrestre. Maintenant, libérés de toutes choses terrestres, sa lumière éternelle nous illumine. Sacrée soit cette place, que vous avez consacrée par des victimes sanglantes. Trois fois sacrée pour nous par le sacrifice du remerciement. »

À l’intérieur, le plafond à caisson est décoré avec trois couronnes végétales successives entourant le chiffre de l’empereur et la date « 1914 », puis la croix pour le mérite et enfin la croix de fer.À l’arrière du monument, une plate-forme prolonge l’espace intérieur.

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À l’origine, l’ensemble de cet espace funéraire était délimité par un mur, qui le séparait du reste du cimetière civil et lui conférait une harmonie propre. Le mur du fond était constitué de baies aveugles, et comportait en son centre, dans l’axe du monument, une niche abritant une grande croix. De part et d’autre de celle-ci étaient accrochées deux plaques commémoratives en marbre répertoriant les noms des soldats inhumés dans la fosse commune creusée en 1914.  Sur sa façade comme à l’arrière du monument étaient alignées des plaques en marbre de plus petite taille.

À partir de septembre 1914, la ville est un cantonnement et un nœud ferroviaire allemands  importants. Elle devient une « ville-hôpital »; le commandement de l’armée allemande et les quartiers généraux du Kronprinz s’installent à Charleville-Mézières.

En septembre 1914, les Allemands créent, d’abord, une grande tombe collective dans le cimetière municipal de Sedan pour enterrer leurs soldats morts dans le secteur. S’installant dans la durée et répondant au désir du Kronprinz d’honorer les morts, en 1915, ils souhaitent agrandir le carré allemand, qui compte jusqu’à 500 défunts et envisagent également d’acquérir le terrain, mais la municipalité s’y oppose requérant l’autorisation d’une autorité administrative supérieure. Cependant ils érigent plusieurs monuments destinés à célébrer la puissance allemande et à marquer le territoire. Le monument de Sedan, construit à cette époque, s’en distingue car il est conçu, et perçu, dès l’origine comme un monument aux morts. Construit au-dessus de la fosse commune, Il est l’œuvre de l’architecte Ludwig Lony, né en 1880, professeur à l’école d’architecture de Trèves, et officier délégué. Sa construction est réalisée en béton armé par des soldats d’une division sanitaire. Il s’agit de l’un des premiers monuments funéraires réalisés avec ce type de matériau. Son implantation à Sedan est symbolique. C’est dans cette ville que le 2 septembre 1870 Napoléon III signe la capitulation de son armée face aux troupes de Guillaume Ier.  Sedan est pour les troupes impériales un lieu fondateur de leur nation.

Après la guerre, dans les années 1920, les corps des soldats allemands sont exhumés et transférés à Noyers-Pont-Maugis. Un carré militaire est officiellement aménagé  au nord-est du cimetière civil , regroupe des morts de différentes nationalités, notamment des Russes et des Britanniques, mais également des civils français et belges morts en détention au bagne de Sedan. La municipalité envisage alors la destruction du monument. Il faut rappeler que la population est à l’époque profondément virulente contre l’ennemi qui, au début de l’année 1917, a installé le Strafgefangenen-Arberterbataillon n°2 oucamp de représailles n°2, communément appelé bagne au sein du château fort. En 1937, pour faire face au manque de place dans le cimetière, le conseil municipal décide « d’utiliser […] l’emplacement de l’ancien cimetière allemand où il n’existe plus aucune tombe ». Le mur d’enceinte, alors en mauvais état, est démoli. Cependant, en dépit d’un contexte anti-allemand, la municipalité vote la conservation du monument allemand : « Il y subsiste seulement le monument que tout le monde connaît, qui doit être conservé » [Arch. Mun. de Sedan, délib. n°153 du 10 mars 1937].

Le monument est aujourd’hui en déshérence et va faire l’objet d’une restauration programmée après de vives et riches discussions, projet financé conjointement par la municipalité et le département des  Ardennes.