ROBERMONT

WA02 Carrés militaires de Robermont

Erigés sur une pelouse d’honneur, les carrés militaires de Robermont s’articulent autour d’un impressionnant mémorial. Celui-ci se situe à l’entrée du site. Conçu en collaboration avec l’architecte liégeois Victor Rogister, le monument se déploie en un hémicycle de soixante mètres d’envergure. De nombreuses figures y apparaissent en haut relief, sculptées par le praticien Léopold Pironnet, d’après les indications d’Oscar Berchmans. L’architecte comme le sculpteur ont voulu matérialiser une idée : « L’Humanité reconnaissante s’incline devant les héros tombés pour la liberté des peuples ». Le fronton de la stèle centrale, supporté par deux colonnes cannelées, porte un flambeau symbolisant le Droit et/ou la flamme du souvenir de 14-18. Le fond du monument, encadré par les deux colonnes, porte l’inscription « Aux Héros de la Grande Guerre, tombés au Champ d’honneur ». Une femme en tunique, personnifiant la Patrie et/ou l’Humanité, complète la phrase en gravant dans la pierre « Gloire éternelle ». De part et d’autre du fronton central, les deux ailes se répondent de façon symétrique. Des groupes de personnes y sont sculptés en défilés, placés sous les ailes protectrices de deux anges qui se tiennent debout aux extrémités. L’aile droite symbolise la Patrie : une femme allaitant son enfant, un vieillard et un enfant qui expriment tout à la fois l’hommage rendu et l’espoir des générations futures. L’aile gauche représente l’Humanité : un homme nu, une femme et un enfant ; deux guerriers nus rendent un dernier hommage aux soldats morts tandis qu’une femme agenouillée pleure devant eux. La face postérieure du monument est elle-même organisée en forme de triptyque. Au centre, l’aigle allemand attaquant une femme sans défense rappelle l’invasion de la Belgique par l’Allemagne. De chaque côté de l’aigle, des inscriptions figent dans la pierre les paroles célèbres de deux héros de la Grande Guerre, prononcées respectivement au début et à la fin du conflit : derrière l’aile droite, la proclamation du Général Leman au peuple liégeois et derrière l’aile gauche, le discours de victoire du maréchal Foch.

C’est autour de ce monument que les tombes belges sont disposées. Les stèles, réalisées en pierre bleue, portent une plaque de bronze avec le nom du défunt, l’unité, le lieu et la date de naissance, la formule « stierf voor België » ou « mort pour la Belgique » et les décorations éventuelles. On trouve au-dessus une plaque émaillée avec les trois couleurs nationales en bandes obliques ou verticales.

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Les carrés militaires alliés occupent la deuxième moitié du champ d’honneur. Les sépultures se démarquent les unes des autres par l’adoption de croix ou de stèles propres à chaque nation. Au premier rang, 119 croix françaises encadrent la statue d’une dame voilée fermant les yeux, œuvre du sculpteur français Pierre-Félix Fix-Masseau offerte par le gouvernement français. Sur le socle de la statue est gravée l’inscription : « Aux Français morts pour la patrie qui reposent ici ». Sur chaque croix de pierre est fixée une petite plaque métallique indiquant les noms et prénoms du soldat, le régiment, la date de mort avec la mention consacrée « mort pour la France ». À l’instar des tombes belges, la Ville de Liège a offert la possibilité aux anciens combattants français résidant à Liège d’être inhumés aux côtés de leurs frères d’arme. Une petite dizaine de croix indiquent en effet des dates de mort largement postérieures à la fin du premier conflit mondial.

Juste à côté des carrés français, 51 pierres tombales blanches aux bords supérieurs arrondis forment le carré du Commonwealth. La croix du sacrifice, présente dans tous les cimetières militaires du Commonwealth, figure en bonne place au centre du carré.

Derrière les carrés français s’échelonnent ensuite plusieurs carrés italiens qui remplissent l’extrémité ouest du champ d’honneur. Avec 347 croix recensées, les sépultures des italiens décédés à Liège dépassent largement les effectifs des autres nations. Les croix italiennes sont d’une grande simplicité. Les grades, noms, prénoms et régiments des défunts sont gravés dans la pierre. En revanche, la date de mort est absente. Un monument offert par le gouvernement italien s’élève au milieu des croix. Il s’agit d’un obélisque frappé d’une croix latine en son sommet et cerclé à sa base de faisceaux, emblèmes privilégiés de l’Italie fasciste. Le socle de la colonne porte l’inscription suivante : « Al soldati d’Italia morti per la grandezza della patria. 1915-1918 » (Aux soldats d’Italie, morts pour la grandeur de la patrie. 1915-1918).

Accolé aux tombes italiennes, un aigle perché sur un amas de pierre monte la garde sur cinq tombes d’une extrême simplicité, faites de béton et de graviers mélangés. De nouvelles plaques indiquant les noms, prénoms et âges des soldats ont dû y être apposées récemment car, avec l’usure du temps, les anciennes avaient disparu. L’aigle serbe a été réalisé par le sculpteur liégeois Louis Gérardy.

Enfin, situé à l’autre extrémité du champ d’honneur, le carré russe compte cent quarante-six croix de béton et graviers mélangés, auxquelles s’ajoutent une vingtaine de croix en pierre. Des plaques de métal rivetées aux croix de béton indiquent sporadiquement les noms, prénoms et dates de décès des soldats

Le 4 août 1914, les troupes allemandes franchissent la frontière belge avec pour ambition de s’emparer par un coup de main de la ville de Liège. Cette opération, censée faire tomber la position fortifiée de Liège en quelques heures, n’apporte pas le succès espéré puisque les derniers forts liégeois ne rendent les armes que le 16 août 1914. L’attaque surprise avortée entraîne dans son sillage de nombreux malheurs pour la population civile : destructions et atrocités. La résistance de la cité lui vaut néanmoins l’estime générale, non seulement en Belgique mais à l’étranger. C’est dans un contexte de glorification de l’héroïsme belge propre à l’immédiat après-guerre que les autorités communales envisagent la construction d’un monument destiné à maintenir vivante la flamme du souvenir pour les générations futures. Le cimetière de Robermont est l’endroit idéal. Créé à la fin du 18e siècle, il est le plus ancien et le plus prestigieux cimetière de la ville. Un grand nombre de notabilités issues de la bourgeoisie liégeoise y sont enterrés. Surtout, il présente l’avantage d’avoir recueilli dès 1914 les dépouilles de nombreux soldats belges et étrangers. Selon les chiffres de la Commonwealth War Graves Commission, au moment de l’Armistice, il contient les tombes de plus de 800 Allemands et de plus de 700 prisonniers de guerre du Commonwealth et des pays alliés. C’est à Robermont que se déroule d’ailleurs dès 1919, le jour de la Toussaint, une cérémonie officielle en l’honneur des victimes de la guerre, en présence des autorités civiles, religieuses et militaires.

En mars 1920, le principe d’un monument dédié non seulement aux soldats mais aussi aux victimes civiles de la guerre est définitivement adopté par le Conseil communal et confié à l’architecte Victor Rogister. Achevé en 1926, l’inauguration officielle a lieu le 24 octobre 1926, en présence du roi Albert.