Secteur mémoriel du Linge
La crête du sommet du Linge, située dans les Vosges alsaciennes à une altitude de 1 000 mètres, sépare les vallées d’Orbey et de Munster.
Le site implanté sur un éperon rocheux comprend 2 biens distincts, localisés de part et d’autre du champ de bataille et des tranchées encore bien visibles au sommet du Linge : la Nécropole nationale française du Wettstein, implantée au milieu de la forêt à proximité du col éponyme et le Cimetière militaire allemand de Hohrod-Bärenstall, sous couvert forestier, en face du sommet du Schratzmännele.
HR01 Nécropole nationale française du Wettstein
Située à 10 km d’Orbey, la Nécropole française du Wettstein d’une superficie de 9 902 m2 est créée au col du Wettstein à une altitude de 877m.
L’entrée se fait, dans l’axe de l’allée principale, par un portail encadré de piliers de grès rose ornés d’un glaive et d’un rameau d’olivier. Ses 2171 sépultures s’alignent de part et d’autre de l’allée centrale dessinant une croix avec les allées latérales. A son extrémité se dresse la croix commémorative (1939), haute de 13m, en granit des Vosges, dressée au lieu et place du calvaire en bois élevé par les combattants. Au pied de la croix, on peut remarquer une petite croix de bois. Un petit écriteau indique qu’elle « a été confectionnée avec les débris de la croix primitive érigée à cet emplacement par les combattants du Linge en avril 1915. A la base du monument, une sculpture en bronze représente un chasseur alpin agonisant et lâchant son fusil, œuvre de l’artiste Victor Antoine. L’imposante croix arbore le mot « PAX ». Ceci nous rappelle que le calvaire est le monument emblématique des cimetières des chasseurs alpins. Devant lui, se trouvent les deux ossuaires où reposent 720 et 568 corps français.
Sur leurs parois sont apposées des plaques commémoratives, initiative des familles le plus souvent ayant senti le besoin de marquer la présence de leur défunt disparu, puisqu’ils ne figurent pas sur la liste des soldats inhumés et qu’ils restent sans sépulture identifiée. Ces plaques aux formes variées mentionnent sobrement un nom ou une année de naissance, de mort, un régiment ou encore témoignent de la douleur ou la reconnaissance des vivants. Elles témoignent de la volonté des familles de faire œuvre de mémoire. Vraisemblablement apposées sur le socle de la croix originelle puis sur l’ossuaire lors de la restructuration de la nécropole.
Un oratoire au parement de grès rose à bossages et son autel de grès se trouve dans l’enceinte du cimetière, à la limite de la lisière de la forêt, autre tradition des cimetières des chasseurs.
Les violents combats qui ont lieu sur cette portion du front d’à peine 2 km, totalisent 17 000 pertes (tués, blessés, disparus) françaises et allemandes âgées souvent de 20 ans en moyenne. Une partie seulement de ces soldats morts au Linge sont inhumés dans le cimetière du Bärenstall pour les Allemands et celui du Wettstein pour les Français,.
Créé en 1915, par l’armée française, pendant les combats au niveau d’un campement, en retrait de la ligne de front, le lieu est utilisé essentiellement comme un cimetière provisoire. Dès l’origine, les soldats bénéficient de tombes individuelles portant une croix de bois. Dans le cimetière est dressée une croix originelle formée de deux troncs d’arbres abattus par des obus et érigée en 1915 par le Lieutenant Boisson du 11e Bataillon des Chasseurs Alpins. Après la guerre, ce cimetière est maintenu sur place. Il devient cimetière de regroupement pour les corps exhumés du champ de bataille, et des cimetières militaires provisoires ou groupements de tombes ou tombes isolées, éparpillées dans le secteur, ainsi que des cimetières civils de Stosswhir, Soultzeren, Muhlbach, Hohrod, Trois Epis et Orbey. Il était également prévu que ce cimetière accueille les dépouilles des soldats inhumés au Cimetière Duchesne de la Tête des Faux. Aussi, le service de l’Etat civil français procède à son agrandissement et il devient Nécropole nationale. La croix de bois originelle est remplacée en 1939 par le monument commémoratif actuel, œuvre de Joseph Franzetti. Le comité pour l’érection de cette croix se heurta à de nombreuses réticences, un tel projet emportant difficilement l’approbation des autorités. La pose de la première pierre symbolique, le 4 mars 1939, se fait en absence de toute autorisation officielle. Son inauguration se fit à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le 13 août 1939, en présence du Ministre des Anciens Combattants. Une réfection totale du site est entreprise en 1961 et les deux ossuaires sont créés en 1968, date à laquelle un nouveau mât est posé. Ce cimetière est vivant, il accueille régulièrement les dépouilles des soldats exhumés sur le champ de bataille au fil du temps, notamment en 1969, leurs restes mortels furent déposés dans l’ossuaire n°2. L’une de ces ré-inhumation donne lieu en 1970 à une cérémonie. Tout récemment en 2015, la croix a fait l’objet de travaux de rénovation par la mairie d’Orbey.
Tous les ans, se tient la cérémonie du Souvenir, le deuxième dimanche du mois d’août avec la messe du souvenir, organisée par les anciens « Diables Bleus » et la commune d’Orbey, depuis 1922. Elle est usuellement nommée « fête du Linge ». Le faste de la commémoration de 1939 est particulièrement marquant dans la mémoire collective. C’est en 1990 que le dernier vétéran de la bataille du linge, M. Léon Demange participe cette commémoration. Depuis 1962, soit depuis plus de 40 ans, les maires de Colmar Joseph Rey et d’Orbey René Schuster ainsi que les colonels Manz de Memmingen et Engelke de Fribourg ont pris l’initiative de cérémonies commémoratives le même jour. Ces journées du souvenir sur les hauteurs du Linge se déroulent autour de deux temps forts au cimetière du Wettstein et au cimetière du Bärenstall. Le site du Linge, lieu emblématique des combats et ses deux cimetières, ainsi que son mémorial, accueillent régulièrement des visites de scolaires et de délégations nationales ou étrangères qui permettent de comprendre a réalité de terrain des combats et de leur violence au travers de l’ampleur du nombre de morts qui en furent la résultante. Le mémorial est devenu le premier site musée, consacré à la Grande Guerre visité en Alsace et sur le Massif des Vosges. Il accueille chaque année d’avril à novembre près de 50 000 visiteurs dont 6 000 scolaires.
HR02 Cimetière militaire allemand de Hohrod-Bärenstall
Une partie seulement de ces soldats morts au Linge sont inhumés dans le cimetière du Bärenstall pour les Allemands et celui du Wettstein pour les Français.
Dominant toute la Vallée d’Orbey, le cimetière allemand du Linge est localisé au lieu – dit du Bärenstall, un carrefour le long de la route des crêtes, après le collet du Linge en direction de Labaroche.
Sous son couvert forestier, il regroupe les sépultures de 2 460 soldats allemands tombés à la Tête des Faux et au Linge et porte aujourd’hui le nom de Hohrod-Bärenstall. Parmi les 1518 victimes inhumées dans des tombes individuelles comportant une croix en fonte, 40 sont inconnues. Six tombes sont de confession juive et sont surmontées d’une stèle funéraire en pierre naturelle au lieu d’une croix. Il comporte également un ossuaire monumental encadré de deux colonnes massives en blocs de poudingue où reposent 942 morts dont 516 inconnus.
Réparties sur un plan géométrique, les sépultures s’y répartissent en quatre sections séparées par des allées parallèles. Seul son paysage arboré reflète l’esprit germanique.
Devant son entrée, on peut remarquer un blockhaus datant probablement de 1917 et non loin de là, un monument commémoratif bavarois.
Ce cimetière allemand est créé en 1916 par les troupes bavaroises qui y élèvent un mémorial de forme pyramidale en l’honneur de leurs camarades. Aujourd’hui, ce bien est séparé du cimetière par la route construite en 1937. Son ouverture était liée à la présence d’un hôpital de campagne, formation sanitaire de triage. Les premiers soins apportés, les soldats blessés étaient évacués vers les hôpitaux de l’arrière à Munster, Colmar et Strasbourg, notamment par wagon. Après la guerre, le cimetière militaire allemand de Hohrodberg-Bärenstall est déplacé et recréé par les autorités françaises en face de l’ancien cimetière allemand au pied du Schratzmännele. La plupart des victimes qui y reposent sont originaires de Bavière mais aussi du Bade-Wurtemberg, de Hanovre, de Frise, du Brunswick et de la Rhénanie. Il est beaucoup plus grand que le cimetière primitif car y sont regroupés tous les cimetières provisoires allemands du secteur ainsi que ceux de la Tête des Faux (Kham, Duchesne, Rabenbühl…). En 1922, il compte 600 tombes, pour la plupart de soldats inconnus. En 1926, on dénombre 1484 soldats connus, reposant en tombe individuelle et 923 soldats inconnus enterrés dans l’ossuaire. Un an plus tard, seulement, en 1927, le nombre de soldats disposant d’une tombe individuelle s’élève à 1652. En 1928, on y transfère les soldats inhumés à Munster, au Bonhomme, à Ammerschwihr…
Son aménagement se poursuit : en 1925, une clôture est réalisée. Le VDK réaménage le site à partir de 1928 par le VDK : construction de murs de pierre à l’arrière du site et à l’entrée, réaménagement de l’ossuaire orné de deux piliers d’angle surmontés de croix et sur lesquels seront apposés des plaques portant les noms de soldats. Devant les bouleversements du paysage liés à la guerre, le VDK décide qu’à l’avenir la forêt entourera le cimetière et planifie un programme de plantations in situ d’arbres, d’arbustes, de plantes herbacées et de fleurs sauvages, arbres, herbe. L’année 1929 est consacrée à la plantation de 300 pins de montagne issus de Bavière. Cependant le mauvais état du sol rend difficile la pousse des végétaux. Le cimetière est bien entretenu, alors que les intempéries obligent à refaire fréquemment les inscriptions blanches figurant sur les croix en bois ornant les tombes. Après la Seconde Guerre mondiale, la jeunesse bavaroise s’implique dans son entretien. En 1958, un groupe de jeunes gens, venus du Sud du Bade-Wurtemberg, rénovent les croix, plantent de bruyères, faisant de ce cimetière le premier camp inaugurant cette politique. En 1959, le succès de ce camp de jeunesse pousse l’organisation à étendre son recrutement à l’ensemble du Bade-Wurtemberg et des jeunes Français les rejoignent. Suite à la convention conclue entre la France et l’Allemagne du 19 juillet 1966, la pérennisation de ce camp de jeunesse a permis la création du « Cercle des amis des participants au camp de Hohrod », un symbole de réconciliation entre les deux pays. Cette démarche illustre la volonté de réconciliation porté par le VDK à travers son slogan de « Réconciliation par-dessus les tombes ».
Depuis 1962, les maires de Colmar Joseph Rey et d’Orbey René Schuster ainsi que les colonels Manz de Memmingen et Engelke de Fribourg ont pris l’initiative de cérémonies commémoratives communes. Ces journées du souvenir sur les hauteurs du Linge se déroulent autour de deux temps forts au cimetière du Wettstein et au cimetière de Hohrod-Bärenstall. Elles sont ponctuées d’un temps d’hommage avec musique, levée de drapeaux et pose de gerbe, d’une cérémonie religieuse, qui se déroule régulièrement en allemand et en français, soulignant le rapprochement opéré. Le site du Linge et ses deux cimetières, ainsi que son mémorial, accueillent également régulièrement des visites de scolaires et de délégations nationales ou étrangères.