AI04 Nécropole nationale française de Le Sourd & Cimetière militaire allemand de Le Sourd
De sa croix de fer sommitale, implantée sur la terrasse du cimetière formant belvédère, s’ouvre un magnifique panorama sur la plaine agricole et les portes de la Thiérache.
Ce site se distingue par son aménagement paysager unique et sa conception architecturale originale. Dans ce cimetière plurinational reposent 2088 de 14-18 corps dont 727 soldats allemands, 1333 soldats et officiers français, 25 Russes, 2 Italiens et 1 Roumain. Dans la partie est du cimetière reposent les corps des soldats français, tandis que ceux des soldats allemands, sont inhumés à l’ouest réunis autour de monuments régimentaires en granit. Au fond, près d’une grande croix, un ossuaire rassemble 571 corps de soldats français. Cette orientation des cimetières mixtes originels se retrouve en Moselle, à Lagarde dès août 1914. Le cimetière est l’œuvre des architectes allemands, les lieutenants Brunisch et Heidt, à la demande de l’empereur Guillaume II. Le sculpteur des monuments régimentaires allemands est J. Limburg.
La longueur maximale du cimetière est de 118 mètres et sa largeur de 60 mètres. La partie allemande est composée de deux zones, présentant de nombreux monuments funéraires. On observe une distinction entre les sépultures des soldats en fonction de leur grade. Pour les plus gradés, les plaques funéraires sont individuelles, alors que pour les soldats les moins gradés les plaques funéraires sont collectives et classées par régiment. Les sépultures varient également selon les nationalités. L’architecture des monuments est significative des pratiques culturelles et funéraires dans l’armée allemande de Guillaume II qui adopte les codes funéraires du monde civil et du style aristocratique wilhelmien. Dans le carré allemand ont été élevées l’une à côté de l’autre des stèles uniques pour leurs formes (urnes, cénotaphes…), à la mémoire des membres de la noblesse impériale – familles von Witzleben, von Plettenberg, von Bismarck… – avec pour certaines des inscriptions tirées de la bible. Le cimetière de Le Sourd-Lemé abrite le corps de Friedrich von Bismarck, petit-fils du chancelier.
La terrible bataille de Guise des 29-30 août 1914 occasionne de lourdes pertes à l’armée allemande, qui doit se résoudre à enterrer ses soldats dans des fosses communes. Avec la guerre de position et la fixation du front, l’armée allemande décide d’exhumer les corps de ses soldats et de les regrouper avec ceux des soldats français dans un même lieu sur le champ de bataille. La commune de Le Sourd sollicitée par l’autorité allemande, décide d’acheter le terrain pour permettre l’installation de ce cimetière en 1915 pour honorer les soldats allemands et français. L’armée allemande va alors réaliser des tombes individuelles pour les officiers et collectives pour ses soldats, mais aussi pour les soldats français, en reproduisant dans le cimetière le plan de la bataille de Guise. D’un côté les Allemands, avec des monuments pour chaque régiment, de l’autre les Français. Dans le carré allemand, ont été élevées l’une à côté de l’autre des stèles à la mémoire des membres de la noblesse impériale appartenant à la garde de l’empereur Guillaume II, tombés ici en août 1914, dont la famille von Witzleben, von Plettenberg et von Bismarck. Friedrich von Bismarck, petit-fils d’Otto, fondateur de l’unité allemande est enterré dans le cimetière en 1916. Après les combats de 1918, des soldats français sont inhumés au fond du cimetière, notamment près de la croix sur la terrasse.
Le Recueil officiel des sépultures militaires (France – Colonies. Etranger) publié en 1929 précise que les cérémonies commémoratives officielles ont lieu le dernier dimanche du mois d’août, anniversaire de la bataille de Guise. Par son ordonnancement et sa scénographie, ce cimetière est l’un des sites funéraires et mémoriels, des plus significatifs de la volonté allemande de réunir en un même lieu après la mort tous les combattants français, allemands. Par son organisation spatiale et son caractère multinational, ce lieu est emblématique de la réconciliation dans la mort. Il fait partie avec le cimetière de Guebwiller, des rares cimetières mixtes allemands conservé par l’administration française au lendemain du conflit. Celui de Lagarde comme celui de Riche sont démembrés pour devenir des nécropoles françaises dédiées.