AI09 Mémorial français « Les fantômes »
Le site est choisi dès 1919 pour l’érection d’un monument en mémoire des combattants tombés en 1918 lors de la seconde bataille de la Marne. Confiée à Paul Landowski, la sculpture dite « des Fantômes » se révèle être l’un de ses chefs-d’œuvre.
Il s’agit d’une double sculpture. En haut de la butte, 7 combattants des différentes armées engagées dans la bataille de 1918 se tiennent resserrés aux coudes à coudes. Un huitième, totalement nu, quitte le groupe et semble s’envoler. L’inclinaison des corps rentre en résonnance avec celle des paliers et la pente de la colline. En bas, 250 mètres plus loin, « la France », est représentée sous les traits d’une femme que protège un boucliers assignés à la devise républicaine. Elle devance le groupe de combattants constitué de 7 hommes au regard douloureux au centre desquels se trouve une figure de martyr. Elle a symbolisé pour son auteur « La France en marche », leur montrant la voie après quatre années de guerre symbolisées par les quatre terrasses successives qui les séparent, pour les uns la voie de la victoire, pour d’autres la capacité à avancer malgré les deuils. Ces sculptures monumentales surgissent du paysage, l’accaparent, et en révèlent l’importance : les sculptures et le paysage sont liés parce que les uns, comme l’autre, portent la guerre et l’histoire de la guerre. En bas, de part et d’autre de la statue représentant la France, deux blocs de granit rose rappellent en lettres gravées les unités et les dates de la seconde bataille de la Marne.
« Défoncer la colline, l’ouvrir comme une tranchée d’où jailliraient les morts dressés… Aux pieds, une plate-forme. Puis …, des Fantômes à la route, des paliers, autant que les années de guerre. Et, au bord de la route, marchant dans la plaine, une grande figure de la France en marche. Le paysage et la sculpture intimement mêlés, la vraie architecture du monument étant le paysage.» Landowski, Journal, novembre 1928.
Le monument est élevé sur les lieux de la seconde bataille de la Marne qui vit le retour à l’offensive des Alliés en juillet-août 1918. Cette seconde bataille de la Marne marque un tournant décisif dans la guerre : après cette date, l’armée allemande ne fait plus que résister.
Le monument de la butte Chalmont est à l’image de cette bataille. Après une première esquisse en 1919, la commande officielle de l’Etat est passée en 1926. Le monument est inauguré le 21 juillet 1935 en présence d’Albert Lebrun, Président de la République. Lors de l’inauguration, le Président Lebrun a ces mots : « … Que ce monument dû au ciseau puissant et à l’imagination compréhensive d’un grand artiste, le maître Landowski, fixe à jamais ce moment ». Le 18 juillet 1968, c’est le général de Gaulle, Président de la République, qui vient rendre hommage à l’occasion du 50e anniversaire de la seconde bataille de la Marne, aux combattants tombés ici. Maurice Genevoix y lit un texte devant près d’un millier d’anciens combattants réunis pour l’occasion.
Le site de la Butte Chalmont, bien que site non funéraire, demeure l’exemple le plus exceptionnel à l’échelle internationale d’une représentation individualisée de combattants morts à la guerre à travers cette œuvre majeure des Fantômes de Paul Landowski. Site français de résonnance nationale il exprime par ses qualités artistiques exceptionnelles, d’une part la souffrance des combattants et d’autre part le deuil des soldats morts à la guerre. Il illustre un thème courant dans les années 1920, le retour des morts, ces morts qui hantent l’esprit des vivants, et illustrent ainsi la complexité du deuil de guerre. Monument dédié à la victoire de la deuxième bataille de la Marne, il est vu par d’autres courants d’opinion comme un monument pacifiste.
Le site de la Butte Chalmont démontre une formidable intégrité dans son rapport qu’entretiennent la mémoire de la guerre et le paysage : la guerre a imprégné les paysages autour de la butte Chalmont et en retour, ces paysages sont devenus aujourd’hui fondamentaux pour comprendre leur histoire. Les monuments et le site sont authentiques, seuls les deux blocs de granit roses rappelant les faits de la bataille de la Marne ont été remplacés à l’identique en 1945, après une détérioration par l’armée allemande.