HR07 CIMETIÈRE MILITAIRE ROUMAIN DE SOULTZMATT
Située au Val du Pâtre sur la commune de Soultzmatt, à moins de 0,8 km du centre-ville, et à environ 6km de Guebwiller, la nécropole militaire nationale roumaine est implantée en milieu forestier.
En ce lieu reposent 693 prisonniers de guerre roumains, morts en captivité. A sa proximité, la chapelle du Val de Pâtre, édifiée à 390m d’altitude, sur une terrasse en faible pente, près de la source du Quirenbach, abritait les dépouilles de ces prisonniers avant leur inhumation.
Cette nécropole comporte 562 tombes individuelles et deux ossuaires (131 corps). C’est la seule sur le front occidental dédiée aux prisonniers roumains. Elle est originale par son plan polygonal, sa scénographie, ses stèles individuelles aux croix latines potencées d’inspiration orthodoxe et par ses deux ossuaires surmontés de croix potencées plus hautes que celles des stèles.
Son entrée principale prolongée par un portique en bois s’ouvre sur le cimetière paysager agrémenté de haies taillées et d’arbres d’essences diverses. Son plan d’inspiration orthodoxe dessine une croix potencée. Les croix latines blanches tréflées se répartissent en 8 sections de part et d’autres des bras de la croix. Chacune d’entre elles porte une plaque où figurent le nom et prénom du soldat, son statut de prisonnier roumain, son matricule et son affectation ainsi que la date de son décès. Et elles sont ornées d’un macaron rehaussé des armoiries de la famille royale roumaine. A l’extrémité de l’allée centrale s’élève un calvaire posé sur un piédestal fait d’un monticule de pierres. A ses pieds, trois plaques de marbre racontent les souffrances des prisonniers de guerre roumains dans les camps du front ouest. La première précise que « les 687 prisonniers de guerre roumains qui dorment dans ce cimetière sont morts presque tous de janvier à juin 1917. Ils ont connu la faim, les privations et les tortures ». La seconde rappelle que « le Comité d’Alsace des tombes roumaines fut chargé par le gouvernement roumain de réunir dans ce cimetière les tombes qui étaient disséminées en 1919 dans 35 villes et communes d’Alsace. Il a acquis la preuve que tous ceux qu’elles abritent sont morts après d’indicibles souffrances ». Sur la troisième figure un témoignage de sympathie de la reine Marie de Roumanie aux « soldats roumains, loin de votre patrie pour laquelle vous vous êtes sacrifiés, reposez en paix, auréolés de gloire, dans cette terre qui ne vous est pas étrangère ». Non loin de là, une statue en bronze élevée à la mémoire de la reine Marie de Roumanie rend hommage à son œuvre mémorielle.
L’étude comparative souligne le caractère exceptionnel de la nécropole. Si la nécropole de Dieuze la surpasse par le nombre de sépultures (822 en tombes et 126 en ossuaire), elle n’est pas dédiée aux seuls prisonniers roumains et ses stèles sont de simples croix latines.
Après la défaite de la Roumanie au cours de l’automne 1916, de nombreux Roumains sont faits prisonniers et sont envoyés dans des camps de travail du front occidental, notamment en Alsace, au ’ Kronprinzlager’’, à Soulzmatt, au Val de Pâtre. Contraints aux travaux forcés, leur nourriture est insuffisante et meurent d’épuisement, de mauvais traitement, de froid et de faim particulièrement durant l’hiver et le printemps 1917. Jean Nouzille en témoigne dans son ouvrage (Le calvaire des prisonniers en Alsace Lorraine 1917-1918 ): « les morts sont placés dans un cercueil et déposés dans la Chapelle du Val de Pâtre. Les enterrements ont lieu le dimanche. Chaque cercueil est descendu par 4 prisonniers roumains. Ils empruntent l’itinéraire du chemin de la Chapelle pour se rendre au lieu-dit « Grienling », à 500 mètres au sud de Soultzmatt, sur un terrain communal situé au sud du cimetière du village. A partir du mois de mars 1917, les cadavres de prisonniers roumains ne sont plus descendus seulement le dimanche, mais chaque jour et quelquefois plusieurs fois par jour, 5 fois le 11 mars 1917, et 5 fois le 24 mars 1917. Selon la liste établie par le sous-préfet de Rouffach-Guebwiller, le 14 décembre 1917, 142 soldats roumains sont décédés et sont inhumés dans ce lieu- dit entre le 4 février et le 8 mai 1917. Quelques 23 prisonniers roumains du camp avaient d’ailleurs été enterrés dès l’origine dans le cimetière du Val de Pâtre, lieu où étaient inhumés les soldats allemands ».
Au lendemain de la guerre, la commune met gracieusement à disposition de la Roumanie et du Comité d’Alsace des Tombes Roumaines le terrain du cimetière militaire allemand du Val de Pâtre et du camp de travail (délibération du 30 août 1919) pour implanter un cimetière. Le Comité d’Alsace des Tombes Roumaines est chargé de l’ériger sur plus de 6 000 m² pour rassembler les prisonniers roumains morts disséminés dans 35 communes d’Alsace. Le cimetière est appelé cimetière du Val de Pâtre ou de la Gauchmatt. Ce Comité y transfère dès 1920, les tombes des prisonniers enterrés au lieu-dit « Grienling » près du cimetière civil. Pour réaliser les exhumations et ré-inhumations, l’administration militaire met à sa disposition à partir du 22 mai 1920, 25 travailleurs chinois et le matériel ; la commune prend en charge leur hébergement. Le 8 septembre 1920, le gouvernement français fait don de quatre canons allemands : deux d’artillerie lourde, placés de chaque côté de la grande croix et deux d’artillerie de campagne, placés de chaque côté de l’entrée, canons repris par les Allemands en 1940. En février 1921 le cimetière compte 139 tombes. On aménage alors le cimetière orthodoxe proprement dit de 1920 à 1924. La nécropole devient le cimetière national de regroupement. Le roi Ferdinand et de la reine Marie l’inaugurent le 9 avril 1924 et, à cette occasion, la reine fleurit elle-même chacune des tombes. En 1930-1931, les croix de bois laissent place à des croix tréflées en béton et un nouveau porche d’entrée est réalisé par Eugène Zahn, qui avait déjà conçu la grande croix en 1920. Les corps regroupés proviennent des cimetières des communes d’Alsace (Bartenheim, La Broque, Cernay, Ensisheim, Ergersheim, Koetzingue, Niederentzen, Saales, Walheim, Waltenheim). Ils arrivent aussi des différentes régions où existaient des camps de prisonniers. Leur regroupement dure jusqu’au 9 juin 1939. De 1919 à 1939, le cimetière est entretenu par le Comité d’Alsace des Tombes Roumaines, le Ministère des Pensions de Guerre et le soutien de la commune de Soultzmatt. Suite à la dissolution du Comité en 1939, à la guerre, et à l’occupation, la nécropole est laissée à l’abandon. La commune de Soultzmatt prend le relais en 1945. En 1947, le Ministère des Pensions de Guerre en confie la gestion au Souvenir Français. Dans les années 1960, le gouvernement de la République Populaire Roumaine, alors à la tête d’un régime totalitaire communiste, propose de participer aux frais d’entretien des sépultures, proposition déclinée par le Ministère en vertu du traité de Versailles. Depuis février 1999, c’est la commune de Soultzmatt qui en assure l’entretien et perçoit des indemnités de la part du Ministère. Le Président de Roumanie et l’Ambassade de Roumanie en France veillent à la gestion de ce cimetière. Des commémorations régulières s’y déroulent. Avant la guerre 1939-1945, la reine Marie de Roumanie effectuait annuellement un pèlerinage à Soultzmatt. En souvenir, une statue à son effigie y est érigée en 1933, inaugurée en 1936. Après la Seconde Guerre mondiale, ces dernières reprennent régulièrement. Une commémoration est organisée chaque année le 1er dimanche suivant l’Ascension dénommée « Jour des Héros ». Des Roumains viennent de France, d’Allemagne, de Belgique et de Suisse pour participer à cette célébration. Ce pèlerinage rassemble régulièrement les plus hautes autorités politiques et religieuses ainsi que la municipalité et les habitants. La nécropole reste un lieu de pèlerinage majeur pour le peuple roumain.